Quand Barbie va mal, c’est tout le groupe Mattel qui souffre et son patron qui doit prendre la porte. La poupée la plus célèbre du monde traverse en effet une mauvaise passe et voit ses ventes reculer. Son fabricant, le groupe Mattel tente pourtant de relancer les ventes par tous les moyens, en vain : le mythe Barbie fait de moins en moins recette. Si bien que le PDG de Mattel Bryan Stockton, en poste depuis trois ans, a démissionné lundi avec effet immédiat. Son nouveau patron par intérim, Christopher Sinclair, a repris les rênes de l’entreprise dans la foulée mais aura fort à faire pour rebondir. Car Barbie n’est plus la seule star du rayon poupées.
Barbie perd en popularité. Juin 1997 : Mattel, le groupe propriétaire de la marque Barbie, annonce qu’il a vendu sa milliardième poupée. Il s’en écoule même chaque année six millions d’exemplaires sur le seul sol français. Bref, à presque quarante ans, Barbie a toujours la côte et envisage l'avenir avec sérénité. Sauf que le cap des années 2010 se révèle bien plus difficile à passer : depuis 2012, les ventes ne cessent de reculer. Alors que la marque capte 25% du marché poupées/accessoires en 2009, il n’en représente plus que 19,6% en 2013, selon la BBC.
Et ce n'est pas mieux en 2014 : le bénéfice net du groupe Mattel chute de 44,8% par rapport à l’année précédente. Pire, ce décrochage s’aggrave lors des si stratégiques courses de Noël : le bénéfice net dévisse de 59,4% au cours des trois derniers mois de l’année, ce qui provoque la démission de son PDG.
Barbie est loin d’être la seule marque du groupe Mattel. Le géant du jouet possède de nombreuses autres licences connues : Dora l’exploratrice, Pisher-Price, Polly Pocket, Monster High ou encore certaines princesses tirées des films d’animation de Disney. Mais Barbie reste son navire amiral, si bien que lorsque Barbie va mal, Mattel aussi. Et ce n’est pas vraiment une surprise : l’entreprise avait déjà senti le vent tourner lorsqu’elle avait perdu son rang de premier fabricant mondial de jouets au monde, détrôné par Lego début 2014. En cause : un manque de renouvellement de son offre, alors que la concurrence - dont Hasbro - ne cessait de prendre des parts de marché.
L’histoire de Barbie ressemblait pourtant à un conte de fées. La chute est d’autant plus rude pour Barbie qu'elle a eu une enfance dorée. Inventée en 1959 par Elliott Handler, la poupée s’est écoulée à 300.000 exemplaires dès la première année de commercialisation. Un succès qui ne s’est pas démenti par la suite : il n’existe aucun chiffre officiel mais les spécialistes du secteur du jouet estiment que Mattel en vend entre 80 et 90 millions d’exemplaires par an.
Une success story que confirment d’autres chiffres : "chaque seconde, trois Barbie sont achetées dans le monde (...) . En France, il se vend un jouet Barbie (poupée ou accessoire) toutes les 5 secondes et seules 14% des petites Françaises n’en ont aucune, contre 3% des Américaines", soulignait RFI, en juillet 2011.
Mais la poupée est rattrapée par la réalité. Longtemps indétrônable, Barbie séduit pourtant de moins en moins. D’abord car les enfants délaissent de plus en plus les jouets classiques et préfèrent les jouets électroniques. Mais même pour les amateurs de poupées, le mythe Barbie séduit moins car elle a trop longtemps véhiculé tous les clichés sur la femme soit-disant parfaire : blonde, plutôt fortunée, obsédée par la couleur rose, souvent au foyer quand elle ne se limite pas aux métiers perçus comme féminin.
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Sans oublier ses formes, qui feraient pâlir la plus fine des mannequins. En 2013, une association américaine de lutte contre l’anorexie s’était amusée à transposer les mensurations de Barbie dans la vraie vie. Et le verdict était implacable : son cou, déjà deux fois plus long que la normale, serait trop fin pour supporter le poids de sa tête ; ses poignets et ses chevilles, tout aussi fins, l’obligeraient à marcher à quatre pattes. Et avec une taille de 40 cm, tous les organes de base ne pourraient pas rentrer dans son corps. Pas vraiment un modèle pour les jeunes filles à l’orée de l’adolescence.
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Et par des concurrentes plus ancrées dans le réel. Conscient que son pouvoir de séduction s’amenuise, Mattel a commencé à rectifier le tir en modifiant à la marge les mensurations et en proposant des Barbie bien plus intégrées dans le monde du travail, voire même une Barbie PDG. Depuis 2000, Mattel commercialise aussi une Barbie présidente des Etats-Unis pour chaque élection. Une "revitalisation" du mythe que l’entreprise entend désormais accélérer, mais il est peut-être trop tard.
En effet, Barbie n’est plus la seule à draguer les enfants et doit faire face à de nouvelles concurrentes. Il y a d’abord la poupée Bratz, qui se veut bien moins lisse que son illustre concurrente : elle est plus petite, très maquillée et porte la jupe plus courte, sans oublier une passion certaine pour les talons compensés. Un style plus décontracté pour certains, plus vulgaire pour d’autres : seule certitude, le succès est au rendez-vous.
Talonnée par la Bratz dans la catégorie stéréotypée de la Pom pom girl, Barbie doit également faire face à une nouvelle venue baptisée Lamilly. Son concepteur, l’artiste et graphiste Nicolay Lamm, venait d’acheter une poupée pour un cadeau et fut choqué par l’écart entre cette représentation de la femme et la réalité quotidienne. Il décide alors de réaliser un modèle inspiré des mensurations réelles d’une Américaine moyenne de 19 ans. Un projet qui suscita rapidement un tel engouement qu’il a décidé de la commercialiser.
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Proposée dans les rayons jouets depuis novembre 2014, Lamilly tranche avec son ancêtre : moins filiforme, avec plus de cuisses et un bassin plus large, sans oublier des tenues plus décontractées qui tranchent avec la garde-robe princière qu’a longtemps portée Barbie. Comble du réalisme : il est même possible d’acheter des stickers représentant des tatouages, des boutons d’acné et même des vergétures. Bref, une représentation plus fidèle de la femme normale. Et pour ceux qui auraient encore un doute, sachez que Lamilly accueille l’internaute sur son site… en faisant des pompes. Tout un symbole.