"L'affaire est en route. Il ne faudra pas trois mois." Arnaud Montebourg a affirmé vendredi matin, sur RMC/BFM TV, que la loi obligeant un industriel à céder une usine viable promise à la fermeture sera bientôt adoptée. L'examen du projet législatif de cette promesse de campagne de François Hollande va "commencer maintenant" assure le ministre du Redressement productif.
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Mieux, poursuit-il, "cette loi sera parfaitement applicable aux deux hauts fourneaux du site de Florange", en Moselle, dont la fermeture devrait être officiellement annoncée lundi par le géant de l'acier ArcelorMittal.
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Que prévoit la mesure? "Vous avez aujourd'hui des grands groupes, qui décident de fermer un certain nombre de sites qui sont rentables et viables. Nous disons: s'il y a un repreneur qui se présente, nous procédons par la transmission forcée par la voie de justice", a détaillé vendredi Arnaud Montebourg.
En février dernier, les députés socialistes avaient déposé une proposition de loi en ce sens. Mais le président UMP de l'Assemblée de l'époque, Bernard Accoyer, avait refusé qu'elle soit débattue avant la présidentielle. François Hollande avait repris le flambeau durant la campagne, lors d'une visite à Florange. "Je viens devant vous prendre des engagements. Je ne veux pas me retrouver dans la situation d'être élu un jour sur une promesse et ensuite de ne pas revenir parce qu'elle n'aurait pas été tenue", avait lancé le candidat socialiste devant les salariés, sans préciser s'il reprendrait mot pour mot la proposition des députés socialistes.
discours_hollande_florangepar LexpansionConcrètement, lorsqu'une usine est en difficulté mais toujours rentable, la proposition de loi des élus PS prévoyait d'obliger les entreprises à revendre les outils de production et transférer la main d'œuvre à un concurrent direct, plutôt que de s'en débarrasser.
À chaque fermeture d'usine, l'entreprise devra, selon une telle loi, informer le tribunal de commerce. Celui-ci désignera alors un mandataire chargé de trouver un repreneur. Si l'entreprise n'a accepté aucune offre à l'issue du délai légal, le mandataire pourra être saisi par le Comité d'entreprise pour évaluer les diverses offres. Si l'entreprise refuse toujours de vendre son site, le tribunal pourra alors arrêter un plan de cession qui s'imposera alors à l'entreprise.
Serait-elle conforme à la Constitution? Le risque est que cette loi soit retoquée par le Conseil constitutionnel. D'abord, elle risque de rentrer en contradiction avec le principe de la liberté d'entreprendre. "Un principe qui implique aussi la liberté de ne pas entreprendre, c'est-à-dire de faire cesser une activité", décryptait Patrick Morvan, professeur de droit social à l'université de Panthéon-Assas, cité en février dernier par France TV.
Outre ce principe, la loi pourrait être jugée contradictoire avec le droit de propriété. "Cette proposition évoque une expropriation. Or, l'expropriation ne peut pas se faire au profit d'un intérêt privé, seulement pour une cause d'utilité publique. Il faudrait donc que l'Etat mette la main à la poche", avait expliqué Patrick Morvan.
"Ce n'est pas une expropriation, ce n'est pas une nationalisation. Vous voulez fermer; il y a quelqu'un qui se présente; la justice fixe le prix et vous serez indemnisé au prix du marché", a répondu Arnaud Montebourg vendredi. "Le droit de propriété devra être étudié à l'aune de l'atteinte à l'intérêt général que représentent ces fermetures de sites pour le tissu industriel", avait également rétorqué, en février, la députée de Moselle et actuelle ministre de la Culture, Aurélie Filippetti.
Serait-elle efficace? Selon le PS, plusieurs fermetures de sites auraient ainsi pu être évitées avec cette loi, à l'image de Gandrange, de la papèterie MReal dans l'Eure ou l'usine Produits céramiques de Touraine (PCT) de Selles-sur-cher. Dans le cas de Florange, aucun repreneur ne s'est pour le moment manifesté. Cela est dû au fait que les hauts-fourneaux ne sont pas encore officiellement fermés. Les syndicats du site, eux, défendent la mesure et la réclament depuis l'élection de François Hollande.
"C'est une loi qui doit nous protéger car même si Mittal ferme le site, il ne pourra pas le démanteler, alors que le PDG du groupe souhaite justement que celui-ci ne soit pas revendu à un concurrent", assurait au moment de l'annonce de la promesse de François Hollande, Edouard Martin, représentant CFDT au comité d'entreprise européen d'ArcelorMittal."Elle pourrait forcer les grands sidérurgistes à investir dans les sociétés qu'ils rachètent", espérait également Jacques Minet, délégué CFDT sur le site de Florange.
Selon l'UMP toutefois, qui s'était opposé au texte des socialistes en février, la mesure serait dangereuse et contreproductive. " La proposition socialiste ne répond pas aux problèmes des sites industriels français, dont le principal souci est de ne pas avoir de repreneurs. Hollande ne dit pas comment on va trouver un repreneur, il fait quelque chose qui va d'ailleurs probablement faire fuir les investisseurs", avait notamment décrié Nathalie Kosciusko-Morizet, la porte-parole de Nicolas Sarkozy pendant la campagne.
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