L'INFO. Et si les politiques d'austérité étaient dues… à une erreur sur Excel ? Une querelle entre économistes de renom fait rage depuis une semaine au sujet d'une influente étude publiée en 2010. Signée Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, économistes de Harvard les plus fréquemment citées par les partisans de l'austérité aux États-Unis, en Grande-Bretagne et dans l'Union européenne, elle se serait en réalité construite sur une erreur de calcul et une mauvaise utilisation du célèbre tableur. On vous explique.
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Que disait cette étude ? En 2010 Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff concluent leurs travaux en affirmant qu'une dette élevée dans les pays riches s'accompagnait nécessairement d'une récession. Ils avaient en effet calculé que l'activité économique d'un pays se contractait de 0,1% par an dès lors que son endettement dépassait le niveau de 90% du PIB.
Qu'est-ce qui cloche ? Le hic, c'est qu'une nouvelle étude parue cette semaine arrive à un résultat… quelque peu différent. Selon des chercheurs de l'Université du Massachussets, Thomas Herndon, Michael Ash et Robert Pollin, les pays très lourdement endettés enregistrent au contraire une croissance annuelle moyenne de 2,2%. Selon ces chercheurs, des erreurs de codage ont émaillé les travaux des deux économistes d'Harvard. Un mauvais positionnement de curseur a, par exemple, écarté des calculs les croissances de cinq pays (Australie, Autriche, Belgique, Canada et Danemark), ce qui a faussé la moyenne globale, comme le détaille Le Figaro.
"Tout cela est parti du travail d'un de nos étudiants qui n'arrivait pas aux mêmes résultats que Rogoff et Reinhart. Nous avons travaillé dur sur la question pour finir par découvrir qu'ils avaient commis une série d'erreurs", a expliqué Michael Ash. "Cette étude a été abondamment citée pour appuyer l'idée que la dette publique était la question du jour. Mais leurs auteurs ont commis de graves erreurs", a-t-il souligné jeudi.
Que répondent les deux économistes ? Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff ont reconnu les erreurs, et souligné qu'il s'agissait d'un accident. "Cela donne à réfléchir de voir qu'une telle erreur s'est glissée dans nos documents malgré nos efforts pour être toujours attentifs", ont-ils commenté dans un communiqué. Mais les deux chercheurs refusent de remettre en causes leurs conclusions. Selon eux, le surendettement est, sinon facteur évident de récession, au moins une entrave certaine à la croissance. "En aucune manière (...) nous ne pensons que cette regrettable bévue n'affecte de manière significative le message central de notre étude", ont-ils ainsi déclaré. Une réponse loin de convaincre tout le monde. Sur son blog, le Prix Nobel d'économie Paul Krugman, figure de prou des anti-austérités, a pour sa part jugé leur réponse "vraiment très mauvaise".