La famille Peugeot se retrouve bien malgré elle sur le devant de la scène avec l'annonce de la suppression de 8.000 postes d'ici 2014 chez PSA. Mardi, Arnaud Montebourg a remis la pression sur la direction du groupe et annoncé qu'il souhaitait s'entretenir avec ses membres. "La famille Peugeot a un certain nombre de choses à nous dire je le crois, et je ne manquerai pas de les inviter au ministère pour que nous puissions en discuter", a lancé le ministre du Redressement productif devant l'Assemblé nationale.
Assez virulent à l'encontre de la direction de Peugeot, Arnaud Montebourg a reçu une première réponse via un communiqué, avant un entretien avec Thierry Peugeot, fixé vendredi. "La famille Peugeot a toujours donné la priorité au développement du groupe et à sa stratégie, n'hésitant pas à diluer sa participation quand la situation le requérait".
"Pas de hiérarchie dans la famille"
Descendants d'Armand Peugeot, fondateur de la marque au mitan du XIXe siècle, les dirigeants actuels sont nourris par l'histoire familiale. "Il n'y a pas de hiérarchie dans la famille", décrit Alain Frerejean, auteur de Les Peugeot, deux siècles d'aventure. Les trois branches sont représentées aux postes-clé du comité exécutif. "La famille a tiré l'expérience d'un passé douloureux", rappelle l'auteur. "Au début du XXe siècle, deux branches Peugeot étaient en concurrence directes, ce qui donnait deux stands Peugeot concurrents au Salon de l'Auto".
Pour éviter les dissensions à la mort de Pierre Peugeot en 2002, la famille a recours "à un arbitrage extérieur". Thierry est finalement élu président du conseil de surveillance où cinq des douze membres s'appellent Peugeot, et Robert prend les rênes de la holding familiale FFP. Jean-Philippe est lui nommé vice-président du conseil de surveillance.
Depuis plus d'un siècle, la famille veille donc collégialement sur l'indépendance du constructeur automobile, qu'elle souhaite autant prospère que responsable. "Bien sûr, les Peugeot ont le sens du profit et de l'argent, mais cela est tempéré par son sens aigu des responsabilités et son attachement aux familles qu'elle fait vivre", assure à Europe1.fr Alain Frerejean.
"Peur de perdre la main"
Farouchement attachée à son indépendance, la famille Peugeot a longtemps refusé d'envisager de s'allier avec des partenaires étrangers. "Il y a eu des partenariats industriels au coup par coup, comme avec Toyota, BMW ou Mitsubishi, mais la famille a toujours été réticente aux alliances capitalistiques. Elle avait peur de perdre la main", poursuit Alain Frerejean.
Finalement, sous la pression de la crise qui a frappé le groupe en Europe, l'entreprise de l'est de la France accepte finalement d'ouvrir le loquet à General Motors. "Mais la famille a voulu rester maître à bord. Elle demeure actionnaire majoritaire, avec 23% du capital et 35% des droits de vote, contre seulement 7% pour GM".
Varin parti pour rester ?
Si elle gère d'une main de maître l'entreprise, la famille Peugeot s'est toutefois mise en retrait et délègue le pouvoir. "Depuis 1965, le groupe est dirigé par une personne extérieure. La famille nomme un directeur, le contrôle, et, éventuellement, s'en sépare", analyse Alain Frerejean.
Ce dernier mentionne une règle édictée par les membres de la "tribu" : "ils font confiance à la personne qu'ils nomment et lui laisse le temps de développer son projet pour l'entreprise, environ une dizaine d'années". Le bail fut nettement plus court pour Christian Streiff, resté seulement deux ans à la tête de Peugeot, de 2007 à 2009. "Une exception" pour Alain Frerejean, qui estime au passage, "sans juger l'actualité", que Philippe Varin, l'actuel président du directoire, a été choisi dans la même optique de gérer la barque une décennie...
C'est donc à lui, entre autres, "que revient la responsabilité de lancer de nouveaux modèles" de voitures, selon l'historien Jean-Louis Loubet. "Un groupe automobile n'existe que parce qu'il parvient à vendre des voitures, or c'est à Philippe Varin et Frédéric Saint-Geours (le patron des marques)" de gérer cela, ajoute-t-il, dédouanant en partie la famille Peugeot de tous les maux dont on l'accuse.
Quoi qu'il en soit, Alain Frerejean exhibe le chiffre qui invite à une pointe d'optimisme : "Peugeot a connu quatre grandes crises durant les deux derniers siècles. Après chaque claque, l'entreprise a rebondi".