Le cap de la cinquantaine donne parfois aux entreprises un sacré bourdon. Le passage à 10, mais surtout à 50 salariés, entraîne en effet de nombreuses obligations (et frais) supplémentaires pour les dirigeants, comme l'obligation de créer un conseil d'entreprise (CE) par exemple. Les organisations patronales réclament à cor et à cri la suppression de ces seuils, dits "sociaux", depuis des années. Selon eux, les supprimer entraînerait, de fait, un boom des embauches. Et l'exécutif semble les avoir entendus.
Au printemps dernier, François Hollande a lui-même demandé la levée de "verrous" permettant de "réduire" les effets des seuils. Et à partir de mardi s'ouvre des négociations entre les partenaires sociaux sur le sujet. Les trois organisations patronales (Medef, CGPME, UPA) et les cinq syndicats représentatifs (CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC) ont rendez-vous en début d'après-midi au siège du Medef. Et le débat s'annonce épineux, car les syndicats sont peu enclins à vouloir sacrifier ces droits salariaux.
>> La suppression de ces seuils peut-il permettre de déverrouiller l’emploi ? Éléments de réponse.
Quelles sont les différentes obligations ? Au dessus de 10 salariés, une entreprise a l'obligation de nommer un délégué du personnel, qui dispose d'un certain droit de regard sur l'action des dirigeants pour se faire le porte-parole des salariés. Au dessus de 50, les choses se corsent. En 2008, le rapport Attali pour la libération de la croissance recensait 34 obligations liées au franchissement du seuil. Parmi elles : l'obligation de créer un Conseil d'entreprise (CE), un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) avec formation de ses membres ou encore obligation de mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) en cas de projet de licenciement économique collectif.
En quoi sont-elles contraignantes ? Ce n'est pas parce qu'une entreprise passe de 49 salariés à 50 que son budget décuple ou que les dirigeants disposent de plus de temps. Or, les obligations obligent le chef d'entreprise à trouver du temps et des locaux pour le CE, à former les membres du CHSCT ou à limiter les licenciements via la législation du PSE, qui impose de ne pas licencier autant de salariés qu'un dirigeant le souhaitait et d'accompagner les salariés licenciés avec des offres de reclassement. Selon le rapport Attali, le passage à 50 salariés entraîne un surcoût équivalent à 4% de la masse salariale.
"L'arrivée de nouvelles règles et contraintes a été très lourde pour une petite structure comme la nôtre. Sans compter tout le temps et l'énergie déployés", témoigne ainsi un patron de PME informatique de 58 salariés dans la région Rhône-Alpes, cité par le site du magazine L'Entreprise. "Nous avons chiffré le coût du franchissement de seuil à 165.000 euros sur deux ans. Plus que des coûts directs, ce sont des coûts indirects liés à l'activité supplémentaire ou à la nécessité de se préparer en faisant appel à des conseillers extérieurs", explique encore ce dirigeant.
Agissent-elles vraiment sur l'emploi ? Selon le patronat, la peur de passer au dessus des 50 salariés conduit les dirigeants à cesser d'embaucher une fois arrivés à 49. Selon la Banque de France, il y a ainsi deux fois plus d'entreprises de 49 salariés que d'entreprises de 50 salariés. Mais il faut relativiser ces données. "L’effet des seuils sur la dynamique et la distribution des entreprises est statistiquement significatif mais de faible ampleur", écrivent ainsi, pour leur part, deux chercheurs de l'Insee dans une étude de 2010 sur la question. Selon eux, la proportion des entreprises entre 20 et 250 salariés n'augmenterait que de 0,2% en cas de suppression des seuils.