Le AAA de la France menacé

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avec AFP , modifié à
L'agence de notation Moody's se donne trois mois pour déterminer si la perspective est "stable".

Ce n'est pas une attaque frontale mais une mise en garde très claire qui sonne comme le dernier coup de semonce. Le fameux AAA de la France est menacé par Moody's. L'agence de notation a annoncé lundi soir qu'elle allait surveiller et évaluer le caractère stable de la perspective du AAA français au cours des trois prochains mois. Europe1.fr décrypte cette décision.

Ce que dit Moody's. Dans son rapport annuel sur la note de crédit de la France, Moody's explique que le AAA de la France reflète la force de son économie, la solidité de ses institutions et sa très forte puissance financière, tout en relevant que cette dernière s'était affaiblie. La marge de manoeuvre budgétaire du gouvernement a rétréci, constate-t-elle également. L'agence explique que la croissance française a jusqu'à présent été portée par "la grande ampleur de son économie, sa productivité élevée, sa large diversification et par son expérience en matière d'innovation ainsi que par une épargne élevée des entreprises avec une augmentation modérée des engagements financiers des ménages et des entreprises".

Ces éléments fournissent "une grande capacité d'absorption des chocs par la France, comme l'a démontré la résistance de la demande durant la crise mondiale, même si certains facteurs de risques (tels que les perspectives fragiles de croissance mondiale), continuent de peser sur les performances économiques à moyen terme".

Ce que répond la France. "Nous serons là pour conserver ce triple A. C'est une condition nécessaire pour protéger notre modèle social... Nous mettrons tout en œuvre pour ne pas être dégradés", a déclaré le ministre de l'Economie et des Finances François Baroin sur France 2.

Où en est la France ? Pour la première fois en 2011, les intérêts de la dette vont être le premier poste budgétaire de la France. Avec près de 50 milliards d'euros, la charge de la dette arrive en tête devant l'enseignement (45,5 milliards d'euros). Estimée en 2011 à 85,5% du produit intérieur brut (PIB), la charge de la dette devrait atteindre en 2012 87,4% du PIB, des chiffres pris en compte par Moody's dans son évaluation. C'est évidemment loin de la Grèce et ses 144% d'endettement, ou même de l'Italie (120%) et des Etats-Unis (100%). Mais ces pays ont été dégradés par les agences de notation, à l'inverse de la France qui a par exemple été félicitée par Standard and Poor's, une autre agence de notation.

Ce qu'il faut attendre à court terme. Techniquement, la surveillance et l'évaluation du caractère stable de la perspective du AAA français n'engage rien pour l'avenir proche. L'agence se donne en effet trois mois pour juger du sérieux des finances françaises avant de dégrader ou non. Très vite, cela remettrait en cause le plan de sauvetage européen puisque la France changerait de camp et passerait de pays qui aide et qui sauve à pays potentiellement en danger. Cela remettrait aussi rapidement en cause les relations du couple franco-allemand qui se parlent aujourd'hui d'égal à égal, entre "triple A". 

Ce qu'il faut attendre à long terme.  Si elle venait à abaisser à "négative" la perspective de la note de la France, une dégradation pourrait intervenir dans les deux prochaines années. Placée au plus haut rang comme le Royaume-Uni, l'Allemagne et le Canada, la France passerait de "première qualité" à "très bonne qualité" ou "bonne qualité".

Les effets économiques d'une dégradation se feraient sentir sur les finances publiques. En effet, être classé AAA permet aux pays de se financer à des taux d'intérêts très bas. La dégradation induirait de fait une hausse des taux d'intérêts et, donc, de l'endettement du pays. "Cela augmenterait le budget de l’Etat et on aurait un effet boule de neige (...) qui aggraverait les problèmes de déficit et de dette publique", a jugé en ce sens l'économiste Nicolas Bouzou.