Imaginez la troisième puissance économique mondiale privée momentanément de police, d'hôpitaux ou de professeurs. Le Premier ministre japonais a agité lundi le spectre d'un tel scénario, devant la chambre des députés. Selon lui, une paralysie complète de l’État est toute proche. "Si la situation continue, les services administratifs vont se retrouver à l'arrêt, ce qui pèsera sur la vie quotidienne des gens et entravera la reprise économique", a menacé Yoshihiko Noda, chef d'un gouvernement de centre-gauche.
Ce qui le rend si alarmiste : le blocage d'une loi autorisant le gouvernement à lever de nouvelles obligations, censées couvrir environ 40% du budget d'avril 2012 à mars 2013. Certaines dépenses gouvernementales, notamment au profit des collectivités locales, ont déjà dû être différées.
Un scénario peu probable
D'habitude, l'adoption de ce texte s'apparente à une formalité. Mais il est actuellement bloqué par l'opposition au Sénat. Le principal mouvement de droite, le Parti Libéral-Démocrate (PLD), a en effet décidé cette année de ne pas la voter tant que Yoshihiko Noda n'aura pas convoqué des élections législatives anticipées. Le Premier ministre japonais a, lui, appelé à "cesser d'utiliser la loi d'émission des obligations comme une carte politique".
Le Parti Démocrate du Japon, PDJ, de Yoshihiko Noda est majoritaire à la chambre des députés mais minoritaire au Sénat. Or le feu vert des deux chambres du Parlement est nécessaire au passage de cette loi budgétaire. A défaut, le gouvernement de la troisième puissance économique mondiale pourrait se retrouver à cours d'argent dès le début décembre.
La plupart des analystes jugent toutefois cette hypothèse peu vraisemblable. "L'arrêt des services gouvernementaux est possible sur le papier, mais cela n'arrivera pas", affirme ainsi David Rea, de l'institut de recherche Capital Economics. "Les deux principaux partis ont trop à perdre à créer le chaos par leur inaptitude à s'entendre, aussi il est très improbable qu'un accord ne soit pas trouvé avant la fin novembre", estime-t-il.
Plus forte dette des pays développés
Le conflit politicien porte sur la date des élections législatives anticipées, que Yoshihiko Noda a promises au PLD en échange de son soutien au vote d'une augmentation de la taxe sur la consommation. La droite réclame un scrutin au plus vite pour bénéficier de l'impopularité de l'exécutif, accusé de mauvaise gestion des suites de l'accident nucléaire de Fukushima, de faiblesse diplomatique face à la Chine et d'indécision économique et sociale.
Ce contretemps parlementaire intervient dans un Japon lesté de la plus lourde dette des pays développés. L'endettement atteint en effet 236% du PIB en 2012, à quelque 10.000 milliards d'euros, selon le FMI. À titre de comparaison, celui de la Grèce est de 170% du PIB. Et le trou nippon se creuse rapidement, avec un déficit public estimé à 10%, un rythme de naissance en baisse et une population vieillissante. Autant de mauvais indicateurs qui risquent de transformer la dette en un fardeau insupportable pour les générations à venir.