C'est un coup de gueule inédit pour un géant de l'agroalimentaire. Richard Girardot, le patron de la filiale français de Nestlé, s'en est violemment pris à la grande distribution, dans une interview au Figaro mardi. Il dénonce les méthodes des grandes surfaces pour obtenir des baisses de prix.
Des distributeurs de plus en plus puissants. "Nous dénonçons une situation de concurrence anormale : les distributeurs répercutent les hausses des matières premières pour leurs produits à marques propres, dont les prix ont augmenté de 0,4% l'an passé; et dans le même temps, ils exigent des grandes marques des baisses de tarif, certains revendant les produits à perte", dénonce le PDG.
La situation est encore plus déséquilibrée depuis que les enseignes ont fusionné leurs centrales d'achat, comme système U avec Auchan ou Casino avec Intermarché. Face à des distributeurs toujours plus puissants, perdre un contrat c'est comme perdre d'un seul coup une présence dans les rayons de centaines de magasin. Et selon le patron de Nestlé, les géants de la distribution ne se privent pas d'agiter le spectre d'une rupture de contrat.
Une pression "digne d'une garde à vue". Pour obtenir ces baisses de prix, Richard Girardot parle également d'une pression "digne d'une garde à vue" faite sur les fournisseurs, qui passe par des rendez-vous isolés, tard le soir, ou les distributeurs jouent l'intimidation. "Si les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), ou les journalistes, s'étaient rendus le samedi 28 février au soir (date de clôture légale des négociations) sur le parking des centrales d'achats des distributeurs, dans les banlieues de Paris, ils auraient compris que quelque chose ne tournait pas rond. Que penser d'une situation où le commercial se retrouve à 23 heures à attendre dans un box, soumis à une pression digne d'une garde à vue?", détaille PDG de Nestlé.
Ils essaient " de vous déstabiliser". Brigitte, fabricante de galettes dans le Poitou, contactée par Europe 1, ne dit pas autres choses. "Ils arrivent dans un box blanc, avec une table et trois chaises. L'interlocuteur vous demande vos chiffres, essaie de vous déstabiliser en vous rappelant tout ce qui s'est passé de négatif dans votre entreprise. Et vous annonce assez vite qu'un de vos concurrents a eu des résultats meilleurs, qu'il a fait de meilleurs tests à la dégustation, qu'il est merveilleux, merveilleux, merveilleux. Et vous, vous êtes le gros nase du coin. Certains finissent par leur donner leur chemise et partir", raconte-t-elle.
Le PDG de Nestlé met la pression sur l'autorité de la concurrence, expliquant que cette pression tue la concurrence, justement, les fournisseurs étant obligés de plier. Les grandes enseignes de distribution, qu'Europe 1 a tenté de joindre, ne font pour l'heure aucun commentaire sur ces accusations.
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