Ni rigueur, ni relance. Voilà comment pourrait se résumer le budget 2015, présenté mercredi par le gouvernement. D'un côté, il prévoit un tour de vis conséquent : 21 milliards d'économies pour l'an prochain, 50 milliards sur trois ans. Certaines charges vont augmenter, comme la taxe sur le gazole (+deux centimes par litre) ou la redevance TV (+ 3 euros). Mais d'un autre côté, des cadeaux sont faits aux ménages et aux entreprises : 3,2 milliards de baisses d'impôts, baisses de la C3S, taxe pesant sur les entreprises, élargissement du CICE...
"Si on est trop dur, on plombe la reprise. Et si on ne fait pas assez, on est laxiste. 21 milliards, c'est le bon calibrage. C'est un budget sérieux", a expliqué le ministre des Finances, Michel Sapin, mercredi au micro d'Europe1.
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Et ce "bon calibrage" a conduit le gouvernement a repoussé à 2017 l'objectif européen de réduire le déficit public à moins de 3% du PIB. Celui-ci aurait dû initialement être atteint en 2013, puis en 2015, après le délai accordé par Bruxelles. Or, il devrait grimper de 4,1 % à 4,4 % de PIB cette année, pour ne diminuer que très légèrement en 2015, à 4,3%. La dette devrait même friser les 98% en 2016, avant de commencer à diminuer après. En tout cas selon le gouvernement. Car même ce plan de bataille aux ambitions revues à la baisse pourrait ne pas être tenu.
UNE CROISSANCE JUGÉE TROP OPTIMISTE
Une prévision de 1%... Pour construire son budget, le gouvernement se base en effet sur une prévision de croissance de 1% en 2015. Une prévision "prudente", selon Stéphane Le Foll, le porte-parole du gouvernement. Cet été, en effet, le FMI a indiqué qu'il s'attendait à une croissance de 1,4% pour la France en 2015. Mais selon de nombreux économistes, même 1%, c'est déjà mal parti.
… À laquelle peu de monde croit."La prévision paraît optimiste. Elle suppose un redémarrage rapide et durable de l'activité que n'annoncent pas les derniers indicateurs. Le scénario du gouvernement présente plusieurs fragilités, touchant au dynamisme international et à la demande intérieure", a taclé le Haut conseil des Finances publiques mercredi.
"Toujours un risque de crise". "C'est normal que le gouvernement fasse un pari sur sa réussite. Il ne peut pas promettre que du sang et des larmes à l'opinion. Mais 1% de croissance, c'est une prévision large", renchérit Henri Sterdiniak économiste à l’OFCE, contacté par Europe1. "D'une part, les moteurs de la croissance sont à l'arrêt. D'autre part, cette prévision ne prend pas en compte le risque de crise. Or, il existe encore des points de tension, qui menacent d'une dégradation soudaine", assène encore l'économiste Bruno Jérôme.
SERRER, OU DÉVISSER LA VIS ?
Or, moins de croissance, cela signifie moins de rentrée d'impôts, et plus de dépenses publiques (pour financer le chômage, par exemple). Si la France ne tient pas son objectif de 1%, les prévisions de déficit, même revues à la baisse, ne seront pas tenues. Faudra-il donc resserrer le tour de vis ? La question divise.
Hollande "coincé par Bruxelles". "Le problème n'est pas qu'il y a trop de dépenses publiques, c'est que les entreprises ne sont pas encore sorties de la crise. Elles ne sont pas incitées à investir car elles n'ont plus de demandes", analyse pour sa part Henri Sterdiniak, pour qui 21 milliards d'économies, c'est dangereux. "Le gouvernement est coincé par Bruxelles, qui refuse de dévaluer l'euro. Or, rien ne marchera tant que l'euro ne diminue pas. Il faudrait aussi soutenir l'investissement, se servir de l'épargne, la canaliser en investissant dans l'industrie, dans la transition énergétique", propose le spécialiste des questions fiscales de l'OFCE.
"L'Etat n'est plus efficace". Mais selon d'autres spécialistes, l’État dépense trop d'argent… que d'autres dépenseraient beaucoup mieux. "Le gouvernement prévoit 21 milliards d'économies. Pourtant, d'autres estimations disent qu'il faudrait plutôt 100 milliards ! Au Canada ou en Australie, cela tournait autour de ces montants là. La différence, c'est que l'opinion publique l'a accepté. Elle a compris que dépenses publiques et croissance n'étaient plus liées", souligne l'économiste Bruno Jérôme. "Aujourd'hui, l’État a tellement de poids qu'il n'est plus efficace. Il ne dépense pas son argent où il faut. Il faudrait davantage laisser l'argent aux ménages et aux entreprises", conclut l'économiste.
Actuellement, la dépense publique représente 56,5% du PIB. Elle devrait à peine descendre en 2015, à 56,1%. À titre de comparaison, en Allemagne, celle-ci s'élève à 44,8% du PIB.