La thèse. Le vieillissement de la population créera-t-il de l'emploi et de la croissance ? C'est en tout cas ce que défend Luc Broussy, auteur d'un des trois rapports remis à Jean-Marc Ayrault pour préparer la réforme de la dépendance. "Le vieillissement est générateur de croissance économique et donc d’emplois, pour les jeunes, et parfois les moins qualifiés", écrit noir sur bilan le Conseiller général PS du Val d'Oise, chargé d'une mission gouvernementale sur le sujet. Selon l'INSEE, le nombre de personnes âgées de 75 ans ou plus passera de 5,2 millions en 2007, à 11,9 millions en 2060. Et d'après Luc Broussy, autant s'en réjouir et investir maintenant pour en profiter à l'avenir. Une idée farfelue ? Éléments de réponse.
>> À lire : Dépendance, réforme "prête" avant 2014
Comment le vieillissement pourrait créer de l'emploi ? Les retraités ne sont pas une "tranche d'âge" comme les autres. Ils ont en effet des besoins que les autres n'ont pas. Et ils ont donc davantage besoin de "consommer" certains produits et services que le reste de la population. Selon le rapport Broussy, investir dans cette catégorie de population créera donc nécessairement de l'emploi et de la croissance à l'avenir, lorsque le nombre de séniors sera plus grand. Accueillir les personnes âgées en habitats collectifs, construire et adapter les logements, développer un réseau de transport à la demande, étoffer les équipes de services d'aides à la personne, investir dans les technologies de l'autonomie (ascenseur, télétexte, livres audio, domotique adaptée...)… sont autant de missions pour lesquelles il va falloir trouver de la main d'œuvre.
Comment financer ces missions ? Le hic, c'est que le rapport ne précise pas comment financer l'adaptation de la société. Or, investir dans les logements, les transports ou les technologies destinées à la vieillesse coûte cher. Et le budget de l'Etat, qui cherche à réduire son déficit par tous les moyens, risque de ne pas être à la hauteur. "La France ne peut pas se le permettre. C'est une bonne idée, mais le contexte est impitoyable", estime ainsi Bruno Jérôme, économiste et co-fondateur du site d'analyse politico-économiques Electionscope, contacté par Europe1.fr.
Épargner le budget de l’État, c'est possible? Le rapport reconnait que l’État et les collectivités devront être mis à contribution. Mais il détaille aussi une série de propositions qui ne coûtent pas, ou peu, d'argent public : étudier avec les entreprises les moyens nécessaires pour inciter les séniors à consommer, drainer l'épargne des Français vers les technologies de l'autonomie, mener des actions de sensibilisation massive pour intéresser les jeunes aux carrières d'aide aux personnes âgées ou encore élaborer un grand plan d'action fixant des objectifs en matière d'adaptation de logement. Le rapport prône ainsi "un Etat régulateur, un Etat inspirateur, un Etat animateur, un Etat facilitateur". "C’est cela qu’attendent désormais les citoyens, les élus et les acteurs économiques et sociaux : une IM-PUL-SION", martèle Luc Broussy.
"Un pari risqué". "Le problème, c'est que personne ne chiffre le retour sur investissement d'une telle politique ", juge pour sa part l'économiste Bruno Jérôme. En effet, nul ne sait aujourd'hui quel sera le pouvoir d'achat des retraités dans les années à venir. D'autant que l'Etat réfléchit activement à la manière de réduire le déficit des régimes de retraites et risque ainsi de baisser les pensions. Or, si le pouvoir d'achat des retraités baisse, leur consommation baissera également… et le nombre d'emplois liés au grand âge avec. "C'est un pari risqué que de miser trop sur les séniors", tranche Bruno Jérôme. Et de conclure : "mieux vaut, au moins dans le contexte budgétaire actuel, faire des choix et investir en direction de la jeunesse".