Un film ou une série télévisée interrompus par un écran de publicité, les téléspectateurs des chaînes de France Télévisions en avaient perdu l’habitude. Pourtant, la réclame risque de faire son retour après 20 heures, puisque l’Union européenne menace d’interdire la taxe qui permet de financer d'une autre façon l’audiovisuel public français. En cas de désaveu européen, "se posera la question" d’un retour de la publicité, a prévenu le ministre délégué au Budget Jérôme Cahuzac.
La menace d’un désaveu de l’UE
Lorsque le gouvernement Fillon a supprimé la publicité après 20 heures sur l’audiovisuel public, il a bien fallu financer le manque à gagner. Deux contributions ont alors été instaurées : une contribution imposée aux chaînes télévisées privées et une "taxe télécoms" prélevant 0,9% du chiffre d’affaires d’Orange, SFR, Free et consorts.
Les entreprises taxées, que ce soient les médias ou les grands opérateurs du Web, ont toutes contesté ces nouvelles taxes devant la justice, en vain. Mais la Commission européenne les a rejointes dans leur fronde et a dénoncé devant la Cour de justice la taxe télécom, qu’elle juge illégale.
Cahuzac envisage "de rétablir cette publicité"
La justice doit rendre son avis à l’automne 2012. Mais, sentant venir le désaveu de Bruxelles, le gouvernement a pris les devants et envisage déjà de rétablir la publicité après 20 heures sur les chaînes publiques. La "taxe sur un certain nombre d'opérateurs a été attaquée par ceux qui la payent" et va, "selon toute vraisemblance, être censurée par les instances communautaires", a précisé jeudi matin Jérôme Cahuzac sur BFMTV/RMC.
"Alors se posera la question : ou bien une taxe de plus, soit la publicité à la télévision", a poursuivi le ministre délégué au Budget. Lorsqu'on lui a demandé quelle serait sa "recommandation", Jérôme Cahuzac a été sans ambigüité : il proposera "bien évidemment de rétablir cette publicité tant il est vrai qu'on ne va pas encore créer une taxe de plus". Un avis partagé par la ministre de la Culture Aurélie Filippetti.
Enjeu : millions à trouver
Rétablir la publicité après 20 heures est en effet la manière la plus indolore de collecter de l’argent. Or il va falloir trouver près de 250 millions d’euros par an. A la différence d’une nouvelle taxe, la publicité ne risque pas de provoquer une hausse des prix sur les forfaits Internet ou encore le matériel high-tech.
Les concurrents de France Télévision sont en revanche d’un tout autre avis : le marché de la publicité, déjà morose, risque d’être encore tiré vers le bas avec le retour de nouveaux créneaux publicitaires que pourrait proposer France Télévisions. TF1, M6 et les autres chaînes privées estiment qu’elles pourraient y perdre 150 millions d’euros de revenus publicitaires par an. Pire, avec cette baisse généralisée des tarifs, France Télévisions risque elle-même de récolter moins que les 200 millions d’euros qu’elle espère ainsi récupérer.