Que sont devenues les anciennes couturières de Lejaby ? La célèbre lingerie française de luxe a mis la clé sous la porte fin 2011, placée en liquidation judiciaire après plus d'un siècle de rayonnement. À l'époque, toute la classe politique s'était émue, sans pouvoir empêcher la fermeture. Plus de 450 employés, la plupart des ouvrières hautement qualifiées, s'étaient alors retrouvés sans emploi, après des décennies passées dans l'entreprise. Mais l'histoire ne s'est pas finie là.
Dans la nouvelle "Maison Lejaby", dans les "Atelières", chez "Monette", ou encore au sein des "ateliers Meygal", autant d'entreprises qui ont essaimé après la mort de la célèbre marque de lingerie, 280 anciens salariés travaillent toujours et font perdurer le savoir-faire français. Même si tous n'ont pas eu cette chance. Europe 1 s'est intéressée à eux.
Maison Lejaby naît sur les cendres de Lejaby. En janvier 2012, un consortium mené par l'homme d'affaires Alain Prost rachète ainsi Lejaby pour un euro. Il conserve le site de Rillieux-la-Pape, dans le Rhône, et embarque 195 employés de l'ancienne lingerie pour en créer une nouvelle : "Maison Lejaby". Et après une refonte spectaculaire, avec un cap mis sur le luxe et une collection "couture" entièrement "made in France", le groupe décolle enfin. Le chiffre d'affaires a progressé de 15 % en 2013, pour atteindre 27,7 millions d'euros. Son résultat brut d'exploitation est désormais à zéro, contre 9 millions de pertes deux ans plus tôt. Le 27 mai dernier, Alain Prost indiquait ainsi sur Europe1 : "la survie, c'est derrière nous" :
Aux Atelières, "bras de fer" payant. Tous les anciens salariés de feu Lejaby n'ont toutefois pas pu être embarqués dans l'aventure menée par Alain Prost. En 2012, Muriel Pernin, directrice d'une agence de communication, crée donc "Les Atelières", pour ne pas laisser s'éteindre le savoir-faire des ex-Lejaby. Elle monte donc un nouvel atelier de prêt-à-porter dans la banlieue de Lyon, avec six ouvrières de l'ancienne marque de luxe, sous forme de coopérative. Mais tout n'a pas été facile. En mars dernier, Muriel Pernin annonce qu'elle doit mettre la clé sous la porte, faute de financement. Mais après un emballement médiatique et politique inouï pour une entreprise de cette taille (Arnaud Montebourg, encore ministre à l'époque, s'était déplacé en personne), le petit atelier réussit à lever plus de 650.000 euros, grâce à des dons de particuliers, à quelques heures de la liquidation judiciaire, le 21 mars exactement.
Aujourd'hui, l'entreprise va mieux. Elle emploie 30 salariés et va même lancer sa propre collection fin octobre : "La Marque Atelières". Après un "bras de fer avec les banques qui a duré jusqu'à fin juillet", dixit Lise-Marie Cat, la madame communication de l'atelier, l'entreprise a réussi à trouver les 350.000 euros qui lui manquaient encore. La Caisse d’Epargne, LCL et le Crédit Coopératif lui ont accordé un prêt, garanti à 70% par la Banque publique d'investissement (BPI).
De Monette à Madame Aime. Les couturière des Atelières ne sont pas les seules à avoir su rebondir hors de la "Maison Lejaby". En 2012 également, l'ancien atelier Lejaby de Bourg-en-Bresse est acheté par la commune, puis loué à une nouvelle marque de lingerie, Monette, qui récupère 19 couturières de Bourg-en-Bresse sur les 65. En mars dernier, Monette a dû mettre la clé sous la porte… avant d'être racheté, le même mois, par une société d'investissement franco-luxembourgeoise : Seven Fashion.
"Aujourd'hui, ça va beaucoup mieux. Nous investissons beaucoup et allons sortir notre propre marque : 'Madame M'", indique à Europe 1 Maud Funaro, Directrice générale de Seven Fashion. Aujourd'hui, Monette produit du prêt-à-porter de luxe "Made in France", et emploie, en tout 44 personnes. "Nous sommes passés de trois clients à 25, dont de grands noms comme Bon marché, Printemps et des sites internet haut de gamme. Nous ne réalisons pas encore de bénéfice, mais nous ne sommes plus dans une logique de menace", poursuit Maud Funaro.
>> Un exemple de la collection Madame Aime :
Les couturières apprennent la maroquinerie. Toutes les ouvrières Lejaby n'ont toutefois pas conservé leur métier d'origine. L'atelier de Yssingeaux, en Auvergne, a lui été repris par un groupe de maroquinerie, qui fournit notamment Louis Vuitton. En 2012, le groupe créé à Yssingeaux les "ateliers Meygal". Il propose de reprendre et former 78 couturières sur les 93 que comptait l'atelier Lejaby. Mais 64 seulement feront la formation jusqu'au bout. "Ca n'a pas été facile. Il a fallu apprendre un nouveau métier, complètement différent. Nous aimions notre ancien métier. Mais nous avons du travail et l'entreprise n'a pas fermé, alors c'est une bonne nouvelle", confie aujourd'hui Bernadette Pessemesse, déléguée syndicale CGT à Yssingeaux. Aujourd'hui, l'atelier continue de tourner, et a même embauché 10 personnes en plus.
Deux ateliers tout de même sur le carreau. Mais toutes les ouvrières n'ont pas pu avoir la même chance. Au final, sur les 450 salariés au moment de la liquidation de Lejaby, à peine plus de la moitié ont pu retrouver un emploi dans leur domaine ou dans un de leurs anciens ateliers. Deux ateliers Lejaby ont d'ailleurs complètement fermé leurs portes. Les ateliers de Bellegarde-sur-Valserine, qui constituaient le berceau de la marque, dans l'Ain, ont ainsi fermé dès décembre 2010.
Dans celui du Teil, en Ardèche, un homme d'affaire stéphanois avait pour projet de créer Opéra Textile, sur les cendres de l'atelier Lejaby également fermé dès 2010. Mais le projet n'a jamais vu le jour. Et l'atelier a été repris par… une entreprise de nettoyage industriel.