Se dirige-t-on vers la fin du gaspillage alimentaire dans les grandes surfaces ? Un texte sur le sujet arrive jeudi à l'Assemblée, déposé par le député UMP Jean-Pierre Decool. À l'origine, il propose d'obliger les commerces de plus de 1.000 mètres carrés à passer une convention d'organisation de la collecte de denrées alimentaires invendus avec une association. Cela permettrait d'éviter de gâcher chaque jour des dizaines de kilos de nourriture. Une bonne idée ?
Les associations veulent plus de moyens. Plusieurs hypermarchés le font déjà, encouragés par une incitation fiscale. Ils donnent chaque matin les invendus à des associations : des fruits et légumes, des yaourts et des œufs qui atteignent la date de péremption. Mais obliger tous les grands hypermarchés à donner les invendus nécessite de grands moyens supplémentaires pour les associations, qui seront chargées de la collecte.
"Si demain on devait récolter 10.000 tonnes de plus sur 5.000 à 6.000 lieux, il faudrait avoir des bénévoles, des chauffeurs, des camions, de l'essence, multipliés par 5 ou par 10. Il faut aussi des chambres froides, des lieux de stockage à proximité", prévient Jacques Bailet, le président des banques alimentaires.
Malgré le manque de moyen, la plupart des associations veulent se charger de la collecte. Elles veulent assurer une distribution dans de bonnes conditions, éviter les files d'attente sur les trottoirs des supermarchés et distribuer les denrées dans leurs locaux, à l'abri des regards.
Un risque "d'effets pervers". Le texte a été débattu la semaine dernière à la Commission des affaires économiques de l'Assemblée. Or, il n'a pas séduit la majorité, qui l'a vidé de sa substance. "Le don contraint doit être évité. C'est un don non qualitatif, indiscriminé, et porteur d'un réel effet pervers: si les enseignes ont l'obligation de donner, elles se déchargeront complètement sur les associations, qui n'ont pas les moyens matériels de détruire des tonnes de denrées inutilisables et pourraient rapidement se trouver saturées", détaille en effet le rapport de la commission sur la proposition de loi.
Un rapport attendu fin mars. Au final, le texte qui devrait être voté jeudi ne devrait comporter qu'un article unique demandant au gouvernement de préparer un rapport sur le sujet "dans un délai de six mois" maximum. Un rapport déjà commandé par Manuel Valls, qui a confié une mission au socialiste Guillaume Garot. Des propositions doivent être formulées fin mars. "On va couvrir tout le champs du gaspillage alimentaire, du producteur au consommateur", explique ce dernier au micro d'Europe1. "Le gaspillage, ce n'est pas juste mal gérer son frigo. C'est aussi dans le champ que cela se joue, lorsqu'on ne récolte pas des fruits parce que les prix sont trop bas; ou lorsque un supermarché envoie toute une palette à la benne parce que quelques yaourts ne sont pas consommables", poursuit le député, qui promet des "solutions concrètes". En clair, rien ne devrait bouger avant minimum deux mois.