Sacrifiés sur l'autel de la rigueur, des centaines de kilomètres de lignes de trains à grandes vitesses (LGV) risquent de ne pas sortir de leurs cartons. Le gouvernement français a laissé entendre mardi qu'il pourrait en effet renoncer à des projets de construction ou de prolongation de LGV, afin de restaurer l'équilibre des finances publiques.
11 projets de LGV concernés
Et il y a bel et bien des économies à faire, en tout cas à en croire la Cour des comptes. Le volet transports du Grenelle de l'Environnement, qui prévoit notamment la construction de 14 nouvelles lignes de trains à grande vitesse (TGV) sur 2.000 kilomètres d'ici 2020, aurait un coût total de 260 milliards d'euros.
Dans son rapport sur l'état des finances publiques publié début juillet, la juridiction pointe du doigt ces projets d'infrastructures de transport lancés sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy et dont 33% serait à la charge de l'Etat et 38% à la charge des collectivités territoriales.
Le ministre délégué aux Transports Frédéric Cuvillier a donc indiqué qu'il se réunirait dans la journée avec les parlementaires de la commission concernée pour évoquer ce sujet. Il a précisé à la sortie du conseil des ministres qu'aucune ligne TGV ne serait supprimée et que les projets déjà engagés seraient menés à terme.
Or, seules 3 des 14 lignes TGV prévues ont déjà été lancées, rappelle la Cour des comptes dans son rapport. "Il faut regarder quels sont les critères pour les choix, notamment lors de la rentrée où il y aura un débat sur les transports : quelle est la plus value des choix qui seront opérés en terme d'aménagement du territoire, de fracture territoriale, d'éléments de terme de croissance", a estimé Frédéric Cuvillier.
Les LGV Paca ou Paris-Normandie menacées ?
Le gouvernement aura à faire un arbitrage sur les 11 projets pas encore engagés. Les nouvelles lignes TGV prévues "ne sont pas budgétairement soutenables" et "ni leur rentabilité
financière, ni leur rentabilité socioéconomique, ni leur intérêt environnemental ne sont établis", écrit-la Cour des comptes. Une façon de rappeler que 30% des lignes TGV en service ne sont déjà pas rentables, comme le souligne Les Echos.
La Cour s'inquiète, entre autres, du lancement prochain de la liaison Lyon-Turin, qui devrait coûter 11 milliards d'euros pour la partie française. Elle déplore un manque de hiérarchisation des projets, et rappelle avoir déjà recommandé en 2011 aux pouvoirs publics d'accorder la priorité à la modernisation et à l'entretien du réseau ferroviaire existant.
Fin 2011, les pouvoirs publics s'étaient déjà résolus à faire des choix douloureux parmi les nombreux projets de lignes à grande vitesse dans les cartons. Mais ils avaient renvoyé les arbitrages après l'élection présidentielle de 2012, rappelle Les Echos. A l'époque, les projets encore en phase de débat public, comme la ligne Paris-Orléans-Clermont-Lyon ou celle envisagée pour relier Paris à la Normandie, semblaient particulièrement menacés. Idem pour celui concernant la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Le raccordement TGV de Toulouse, en revanche, semblait incontournable.
Le Grand Paris aussi sacrifié ?
Le ministre délégué au Budget Jérôme Cahuzac a, lui aussi, déclaré qu'il faudrait "élaguer" dans les projets prévus, allant dans le sens de la Cour des comptes. "L'Etat, ceux qui le dirigeaient en son nom, ont prévu une multitude de projets sans avoir le début du commencement du moindre financement. Il y a eu un effet d'affichage", a-t-il critiqué mercredi sur France 2. "Il faudra, je crois que la Cour des comptes a raison, élaguer dans les projets qui ont été proposés. Le gouvernement n'aura pas d'autre choix que de renoncer à certaines des options qui ont été privilégiées", a-t-il ajouté.
Autant de déclarations qui font l'espoir des associations anti-LGV. "L'Etat devient raisonnable pour des raisons financières, il prend la mesure de tous les dégâts financiers, environnementaux et humains que la construction d'une nouvelle ligne produirait", s'est réjoui la maire de Saint-Pée-sur-Nivelle, Christine Bessonnart, dont la commune doit être traversée par la LGV prévue entre Bordeaux et l'Espagne.
"Sans avoir les financements, c'est aberrant de parler d'un projet de huit milliards entre Toulouse et Bordeaux qui s'adresse seulement à une élite qui se déplace de métropole en métropole, a renchéri le porte-parole de la coordination anti-LGV en Lot-et-Garonne, Charles d'Huyvetter. Le projet LGV ne tient pas la route, c'est de la folie à l'état pur."
La SNCF s'est, elle, refusée à tout commentaire dans l'immédiat. Six à 10 milliards d'euros de recettes pourraient manquer pour tenir l'objectif de réduction du déficit public à 4,4% du PIB fin 2012, selon la Cour des comptes. Le gouvernement espère donc faire des économies via une remise à plat des projets ferroviaires.
Une réflexion qui fait suite à celle de la ministre de l'Egalité des territoires et du Logement, Cécile Duflot, qui a déclaré fin juin que le "Grand Paris" restait d'actualité mais devrait s'adapter aux contraintes budgétaires du nouveau gouvernement. Le coût de ce vaste projet de remodelage de la région capitale avait également été épinglé par la Cour des comptes, qui l'estimait "incompatible avec la situation des finances publiques".