La déclaration. Le ministre du Travail François Rebsamen a décidé de durcir le ton en martelant, mardi sur i-Télé, qu’il avait demandé à "Pôle emploi de renforcer les contrôles pour vérifier que les gens cherchent bien un emploi. (…) Il faut qu'il y ait, à un moment, une sanction". Sa sortie a provoqué de nombreuses réactions, sauf qu’elle fait presque partie de la routine. Quasiment tous les ministres du Travail ont tenté de durcir l’accompagnement, et donc le contrôle, des demandeurs d’emploi : en se penchant sur les dix dernières années, on dénombre pas moins de trois réformes. Et la prochaine évolution est déjà en phase d’expérimentation. Retour sur ces tours de vis destinés, directement ou non, à traquer les demandeurs d’emploi pas trop pressés d’en retrouver un.
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2006 : le suivi des demandeurs d’emploi devient personnalisé. Alors que Jean-Louis Borloo est ministre de l’Emploi, l’ANPE met en place, en janvier 2006, le suivi mensuel personnalisé : après quatre mois de recherche, un demandeur d’emploi fait l’objet d’un entretien chaque mois, toujours avec le même agent. Une réforme à double effet : désormais, les chômeurs sont donc mieux accompagnés, mais aussi plus contrôlés.
2008 : les offres d’emploi "raisonnables" ne se refusent pas. Présentée par Laurent Wauquiez, la loi du 1er aout 2008, consacrée aux "droits et devoirs des demandeurs d’emploi", introduit le concept "d’offre d’emploi raisonnable". Si un chômeur en refuse deux sans justification, il fait l’objet d’une radiation : en clair, il est privé d’allocations chômage pendant deux mois.
Mais qu’est-ce qu’une "offre d’emploi raisonnable" ? Une proposition d’emploi qui correspond au projet personnalisé d’accès à l’emploi, élaboré lors de l’inscription du chômeur à Pôle emploi : l’offre est qualifiée de raisonnable si elle correspond à la qualification, au salaire et à la zone géographique où réside le demandeur d’emploi. Ceux qui rechignent à prendre un travail qui leur correspond en sont pour leurs frais. Problème, cela n’a pas entrainé un raz-de-marée de radiations et pour cause : les offres correspondant vraiment au profil des demandeurs d’emploi sont rares.
2012 : le constat d’échec du suivi personnalisé. Depuis 2006, les demandeurs d’emploi sont censés, sur le papier, être reçus chaque mois par leur conseiller. Sauf que dans les faits, cela arrive rarement. Prenant acte de l’échec de cette méthode, le ministère du Travail et Pôle emploi introduisent le concept de "suivi différencié" : plus le chômeur est éloigné de l’emploi, plus il est accompagné.
Désormais, les demandeurs d’emploi bénéficient donc, soit d’un accompagnement "suivi" pour ceux qui se débrouillent bien tous seuls, soit d’un accompagnement "guidé" pour ceux qui ont besoin d’une aide, soit d’un accompagnement "renforcé", pour ceux qui sont le moins insérés.
2014 : Pôle emploi teste de nouvelles méthodes contre les profiteurs. Dans sa sortie remarquée, François Rebsamen n’y fait pas référence, mais c’est probablement l’une de ses pistes privilégiées : généraliser l’expérimentation menée discrètement depuis janvier 2014 dans quatre régions. Pôle emploi y a mis en place des cellules d’agents chargés de traquer les abus. Ces derniers sont spécialisés et n’hésitent pas à croiser les fichiers de l’Urssaf, de la Cnaf, des impôts, mais aussi à appeler les entreprises chez lesquelles les demandeurs d’emploi assurent avoir passé un entretien. Dans un document interne, cité par Le Monde daté du 3 septembre, Pôle emploi se félicite que "le contrôle de la recherche d’emploi provoque chez une grande partie des demandeurs d’emploi contrôlés un effet certain de redynamisation".
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