L’info. 5.000 emplois menacés, sans compter les sous-traitants, estimés à 2.000, mais aussi les emplois induits : le sort du transporteur routier Mory Ducros, placé en redressement judiciaire, est scruté de près. Le tribunal de commerce de Pontoise doit se prononcer jeudi sur la reprise de la société de transport par celui qui en est déjà propriétaire, le groupe Arcole Industries. Un sauvetage dont les délais n’ont cessé de se rallonger, et pas seulement à cause des traditionnelles négociations de reprise : le numéro deux français du transport de colis en France a dû batailler contre sa direction mais aussi contre lui-même.
Au départ, deux entreprises qui vont mal. Le placement en redressement judiciaire de l’entreprise Mory Ducros en novembre 2013 n’était pas vraiment une surprise. Certes, la hausse des prix des carburants a réduit ses marges. Certes, elle doit faire face à une concurrence croissante d’entreprises venues de l’Est. Et certes, la crise a généré une baisse de l’activité économique et donc des livraisons. Mais au-delà de ces obstacles, la société partait déjà avec un lourd handicap.
L’entreprise est en effet née de la fusion fin 2012 de Mory Team et de Ducros Express. Or ces deux sociétés étaient chacune dans le rouge. La maison-mère de Mory Team avait déjà déposé le bilan mi 2011. Quant à Ducros Express, la société avait déjà était rachetée un euro symbolique au groupe DHL. Quand les deux sociétés fusionnent fin 2012, c’est donc l’alliance d’entreprises mal en point.
Une fusion vraiment ratée. Normalement, la fusion de deux entreprises doit permettre des économies d’échelles et une rationalisation du travail. Sauf que le rapprochement entre Mory et Ducros a généré autant de problèmes qu’il n’en a résolus. Premier accroc, les salaires n’ont pas été harmonisés : pour le même travail et la même ancienneté, un employé Ducros gagne presque deux fois plus qu’un salarié Mory. D’où une mauvaise ambiance au travail.
Autre symptôme d’une fusion jamais achevée : chaque société a conservé son système informatique, son organisation du travail et sa logistique. Résultat : des bugs, des délais de livraison qui se rallongent, voire même des colis perdus. "On travaillait sur deux systèmes informatiques différents, des étiquetage différents. Cela fait une pagaille pas possible au niveau de la qualité", a témoigné un employé au micro d’Europe 1.
Des tensions internes qui persistent. Cette fusion mal digérée a accéléré la chute de l’entreprise et se retrouve même dans le conflit social en cours. On a ainsi vu un collectif d’employés accuser la CFDT de jouer avec le feu en refusant de signer l’accord de reprise de l’entreprise, avant une volte-face de dernière minute. Un conflit qui trouve une nouvelle fois son origine dans le mariage raté entre la branche Mory et la branche Ducros.
Car si la CFDT a longtemps refusé de signer l’accord, c’est parce qu’elle redoute que la direction ne conserve majoritairement que des ex-Mory, aux salaires moins élevés que les ex-Ducros, qui risquent alors d’être les premières victimes. "Les ex-Ducros sont ciblés dans le plan social parce qu'ils ont une rémunération un peu supérieure à celle des ex-Mory", se justifiait le délégué CFDT, Rudy Parent. Et ce dernier d’ajouter que son syndicat "ne signe pas parce qu’on ne veut pas s’asseoir sur le droit du travail", laissant entendre que la direction divisait les salariés pour mieux imposer ses vues.
"Il y a toujours des réactions de la base. On s'en expliquera en interne", avait poursuivi Rudy Parent. Avant de lutter contre l’extérieur, Mory-Ducros doit déjà livrer bataille en interne, probablement le combat de trop.
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