Après quatre années de discussions et autant de polémiques, le Parlement européen a trouvé mardi un accord sur la culture des organismes génétiquement modifiés (OGM). Enfin, presque : puisque l’ensemble des Etats ne sont pas arrivés à élaborer un consensus, il a été décidé de laisser à chacun le choix. En ce qui concerne les OGM, il va donc y avoir une Europe à deux vitesses, ce qui ne satisfait ni les entreprises commercialisant des OGM, ni ses opposants.
La nouvelle règle de l’UE en matière d’OGM. Les députés européens ont adopté par 480 voix contre 159 un accord trouvé en décembre avec les gouvernements pour débloquer un dossier enlisé depuis quatre ans. Les Verts ont voté contre cette nouvelle législation, qui a été soutenue par la droite, les socialistes et les libéraux.
Désormais, la règle est la suivante : la Commission européenne conservera le pouvoir d'interdire ou d'autoriser la culture de chaque variété d'OGM à travers l'UE en se fondant sur un avis scientifique. Dans le cas où l'exécutif européen donnerait son feu vert, un Etat pourra ensuite demander à ne pas appliquer cette décision sur tout ou partie de son territoire.
En résumé, la culture des OGM est désormais autorisée mais chaque Etat peut l’interdire sur son territoire bien plus facilement qu’auparavant. Il n’est plus nécessaire d’avancer des arguments scientifiques, les réfractaires pourront invoquer des raisons socio-économiques, environnementales ou liées à l'utilisation des terres agricoles.
Pas de règle unique pour l’Europe. Pressés par les lobbies pro et anti-OGM, les députés européens n’ont donc pas réussi à trouver un terrain d’entente, ce qui ne satisfait personne. Du côté de l’industrie OGM, on y voit "un signal d'arrêt à l'innovation européenne", selon Jeff Rowe, un représentant d'EuropaBio.
Du côté des écologistes, ce n’est pas mieux. "C'est une mauvaise mesure, l'Europe va devenir un patchwork en matière d'OGM, alors que nous avons besoin d'une approche commune", a dénoncé la co-présidente des Verts, Rebecca Harms. Un constat partagé par l’eurodéputé José Bové :
#OGM: La puissance publique européenne abdique. Aux multinationales d'ouvrir le bal. La porte est ouverte à #Monsanto#Pioneer & co— José Bové (@josebove) January 13, 2015
La future législation a néanmoins un avantage : elle empêchera l’industrie OGM de mener une bataille juridique contre les Etats récalcitrants, qui était visés par une cascade de procès et de contestations à chaque refus de cultiver des OGM sur leurs terres.
Un nouveau casse-tête en perspective. En laissant à chacun la possibilité de faire ce qu’il veut, l’Union européenne n’a pas pour autant acheté la paix sociale. Car va désormais se poser la question du bon voisinage entre un pays cultivant des OGM et un autre s’y refusant.
L’Europe prévoit donc que les États membres autorisant les cultures devront aussi prendre des mesures pour prévenir la contamination des cultures non-OGM, en particulier dans les pays voisins.
UE et OGM : où en est-on ? Actuellement, l’UE autorise quatre semences OGM de maïs, mais une seule est déjà plantée. Il s’agit du MON810 de Monsanto, qui est cultivé dans trois pays : 110.000 hectares en Espagne, 9.000 au Portugal et 3.000 en République tchèque.
Ces derniers mettent en avant qu’il faut autoriser la recherche scientifique et que les plantes OGM sont plus rentables : elles produisent plus et sont plus résistantes aux nuisibles. Ses détracteurs rappellent qu’on n’en sait pas encore assez sur les OGM et que le risque de contagion dans tout l’écosystème est trop élevé. Sans oublier que les plantes OGM ne peuvent être replantées l’année suivante, ce qui représente un véritable changement de paradigme pour les agriculteurs.