Bonus-malus : le concept est sur toutes les lèvres, perçu comme le carburant qui pourrait relancer, au moins en partie, la filière auto. Le gouvernement doit présenter le 25 juillet son plan de redressement pour l'automobile, après l'annonce de PSA de 8.000 suppressions de postes. Interrogé sur le contenu de ce plan, samedi 14 juillet, François Hollande a vanté les mérites de ce bonus-malus écologique.
La veille, dans Libération, le patron de PSA Philippe Varin a également insisté sur cette piste à "privilégier". Toujours selon le quotidien, l'Elysée y verrait un moyen de relancer la filière sans que l'Etat ne dépense un seul sous. Est-ce vraiment le remède miracle ? Eléments de réponses.
Bonus malus, comment ça marche ? Le principe est simple et vendeur : inciter les consommateurs à acheter des modèles de véhicules moins polluant. Le consommateur achète, et l'Etat finance une prime, un bonus, en fonction du degré de pollution du véhicule. À l'inverse, il taxe d'avantage les véhicules plus polluants, en instaurant un système de malus les rendant plus couteux.
Sur le papier, le système a trois vertus : réduire les émissions de CO2 en favorisant l'achat des engins peu polluants, revitaliser les ventes automobiles en boostant la consommation, et réduire le déficit de l'Etat grâce à l'argent rapporté par les malus. Mais dans le détail, aucun de ces objectifs n'est facilement atteignable.
Quel est le dispositif actuel ? Depuis 2008 et le Grenelle de l'environnement, un tel système est déjà en place, mais il a connu des restrictions. Aujourd'hui, le bonus pour les voitures émettant entre 61 et 90 grammes de CO2 par kilomètre s'élève à 400 euros et celui pour les véhicules émettant entre 91 et 105 grammes à 100 euros. Les voitures électriques ou thermiques présentant des émissions de CO2 inférieures à 50 g/km ont droit à une aide de 5.000 €. Les voitures hybrides présentant des émissions de CO2 inférieures à 60 g/km (plug-in hybrides par exemple) profitent de 3.500 € de prime. Et les voitures hybrides (non rechargeables) ont droit au bonus de 2.000 €, sous réserve de ne pas dépasser désormais 110 g/km.
Côté malus, il s'élève à 1.300 euros pour les véhicules émettant entre 181 et 190 grammes, 2.300 euros pour ceux émettant entre 191 et 230 grammes et 3.600 euros pour ceux émettant plus de 230 grammes. Entre 141 et 150 g, le malus atteint 200 €, entre 151 et 155 g, 500 €, et entre 156 et 180 g, 750 €.
Ce dispositif est bien moins avantageux que celui d'origine, en 2008. En effet le gouvernement précédent a durcit le système à deux reprises, en 2010 et 2011, en rabaissant le taux de rejection de CO2 donnant le droit aux bonus, en diminuant également ceux-ci, et en augmentant les malus.
Est-efficace pour relancer la filière automobile française ? À l'origine, le bonus-malus écologique a été créé pour des raisons environnementales. Mais les constructeurs automobiles s'en sont très vite léchés les doigts. Renault et Peugeot font pression depuis plusieurs mois pour que le gouvernement améliore le dispositif existant.
Et pour cause, dès le début 2008 et le lancement de la mesure, le volume global des ventes de voitures en France bondit de 13 % par rapport aux attentes sans le dispositif, selon l'Insee. À l'inverse, ces révisions ont été accompagnées d'une baisse des ventes. Ce qui ne veut pas dire non plus qu'ils en ont été la cause. Car son efficacité est à nuancer.
"En 2008, il a très bien fonctionné. Mais le marché n'était pas le même qu'aujourd'hui, renseigne François Roudier, porte Parole des Constructeurs Français d'Automobiles, au micro d'Europe1. En France, nous avons une tradition de construction de petits véhicules, qui consomment peu. Mais depuis 2008, les concurrents étrangers s'y sont mis aussi. Aujourd'hui, les Coréens ou même les Allemands ont développé leur offre de ce type de véhicules. Donc le bonus malus les favoriserait aussi."
Est-ce utile à l'environnement ? L'effet positif pour la planète est encore plus mitigé. Certes, le système a permis de réduire les émissions moyennes par véhicule neuf de 149 grammes de CO2 par kilomètre en 2007 à 128 grammes en 2011.
Mais il y a de nombreux effets pervers. Car, selon l'Insee, le dispositif a bien incité les Français a acheté davantage de véhicules peu polluant, mais aussi davantage de véhicules tout court. De plus, la construction d'automobiles est une industrie très polluante : d'après l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, elle génère 5,5 tonnes de CO2 par tonne produite. A cela s'ajoute enfin un "effet rebond" : les ménages qui achètent un véhicule plus économe peuvent avoir tendance à l'utiliser davantage. Résultat : les émissions de CO2 dues aux voitures ont en fait progressé de près de 170 kilotonnes par trimestre pour la seule année 2008, renseigne l'Insee.
Et ce n'est pas tout. "La mesure de bonus-malus automobile ne peut pas être considérée comme une subvention favorable à l'environnement, car elle a conduit à la mise sur le marché de davantage de véhicules diesel, qui émettent certes moins de CO2 mais génèrent bien d'autres impacts, notamment sur la santé", explique l'économiste Guillaume Sainteny. "Il est regrettable que "le bonus-malus repose sur le seul objectif de diminution des rejets de gaz carbonique (CO2), sans prendre en compte le dioxyde d'azote, les particules fines ou les oxydes d'azote", renchérit la Cour des comptes.
Cela épargne-t-il les finances publiques ? Si l'on s'en tient à toutes les versions testées jusque là : non. Fin 2011, le ministre de l'industrie Eric Besson expliquait que le dispositif avait coûté à l'Etat 2,3 milliards d'euros depuis sa mise en place en 2008. À l'origine, l'Etat pensait que les malus payés par les consommateurs compenseraient les bonus versés par l'Etat. Mais les Français ont joué le jeu de l'achat de véhicules peu polluants. Et le système s'est retrouvé déficitaire. C'est ce qui a contraint le gouvernement à durcir ce dispositif en 2010 et 2011. Trouver un système permettant une relance de l'activité de la filière auto sans aggraver les comptes publics, c'est l'équation que doit résoudre le gouvernement avant le 25 juillet.