Ils ont rendu comme promis leur copie à Emmanuel Macron et Sigmar Gabriel, les ministres de l'Economie français et allemand. Les économistes Jean Pisani-Ferry et Henrik Enderlein, ont en effet remis jeudi leur rapport, tant attendu. Le but de leur travail ? Donner des pistes de croissance pour les deux pays. Leur texte demande un effort européen d'investissement plus significatif. Mais il pointe aussi le "manque d'audace" de la France et "le contentement excessif" de l'Allemagne. "Notre conclusion est simple: la France et l'Allemagne passent beaucoup de temps à élaborer des déclarations et des initiatives communes. Il nous faut de l'action", ont-ils déclaré.
# LES RECETTES POUR LA FRANCE
Les deux économistes jugent que la France doit assouplir son marché du travail et réduire ses dépenses. Si des fuites dans Der Speigel avaient indiqué la préconisation de geler les salaires, il n'en est finalement rien dans le rapport qui invite cependant à surveiller la hausse des salaires. Ils ajoutent que la France a besoin de réformes "urgentes et précises", contrairement à l'Allemagne qui doit se projeter dans le long terme.
Revoir plus facilement les temps de travail. Jean Pisani-Ferry et Henrik Enderlein jugent que la France gagnerait à adopter le modèle de la "flexisécurité" pour son marché du travail. Pour cela, elle devrait, selon eux, s'inspirer du pragmatisme des partenaires sociaux allemands. Par exemple, elle pourrait donner la possibilité d'aménager plus facilement le temps de travail aux entreprises, sans réserver cette faculté aux sociétés en grande difficulté. "Il est plus important de parler des caractéristiques structurelles du marché du travail que de se disputer à propos de symboles politiques, c'est particulièrement vrai pour la semaine de 35 heures", écrivent-ils.
Enrayer la hausse des salaires. L'Hexagone devrait aussi encourager l'embauche à durée indéterminée en rendant les coûts et délais des licenciements "plus prévisibles". Ils préconisent également d'enrayer les hausses de salaires quand elles sont déconnectées de l'activité de l'entreprise. Comment ? Les négociations salariales seraient possibles tous les trois ans seulement, au lieu de tous les ans aujourd'hui. Jean Pisani-Ferry et Henrik Enderlein propose aussi de revoir le mode de calcul du Smic.
Et puis, moins dépenser. Selon le rapport, la France devrait revoir ses objectifs de dépenses publiques, en promettant de les ramener à 50% du produit intérieur brut contre 55% en 2013.
# LES RECETTES POUR L'ALLEMAGNE
La voisine de la France ne sort pas indemne du rapport. Jugée d'"un contentement excessif", elle doit selon les deux économistes, investir, accueillir plus d'immigrés et encourager le travail des femmes.
Un pays vieillissant. La "principale faiblesse" de l'Allemagne est sa démographie très ralentie, selon le rapport qui juge que pour y remédier "l'immigration doit augmenter". Le pays doit accueillir 300.000 personnes par an, estime le rapport. Mais "la société allemande est-elle prête à cela?", se demandent-ils.
Faire travailler ses femmes. L'Allemagne doit cesser de décourager les femmes désireuses de travailler quand elles ont des enfants, explique les deux économistes. Comment faire ? Il propose d'instaurer des aides fiscales à la garde d'enfants. Ils conseillent aussi la création d'un droit, inscrit dans la loi, à reprendre un travail à temps plein pour les femmes qui auraient réduit leurs horaires pour des raisons familiales. Autres conseils: diminuer le temps passé aux études et augmenter les bourses étudiantes.
Investir plus. La première économie européenne doit aussi combler son déficit d'investissements. Le rapport avance une dépense de 24 milliards d'euros supplémentaires dans les trois ans qui viennent. C'est plus du double des 10 milliards d'euros d'investissements promis par Berlin d'ici 2018.
# ET DES RECOMMANDATIONS POUR L'EUROPE
Henrik Enderlein, Emmanuel Macron, Sigmar Gabriel et Jean Pisani-Ferry
Enfin, Jean Pisani-Ferry et Henrik Enderlein délivrent quelques conseils à l'Union Européenne. Ils proposent par exemple la mise en place de marchés unifiés de l'énergie et du numérique.
Le plan Juncker ? Insuffisant. Concernant les investissements, ils vont plus loin que le plan présenté mercredi par le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker. Ce dernier prévoit de dégager 21 milliards d'euros de fonds européens pour financer au total 315 milliards d'euros de projets.
L'économiste français et l'économiste allemand jugent cette mise de départ trop modeste. Il faudrait, selon eux, que les Etats mettent 30 milliards d'euros au total sur la table. Jean-Claude Juncker a d'ailleurs déjà appelé les capitales européennes à apporter leurs deniers à son initiative.