"Ce plan sera un moyen de renaissance de l'automobile en France". Arnaud Montebourg y croit dur comme fer : son plan présenté mercredi va redonner du carburant à la filière automobile française, et ainsi sauver des emplois hexagonaux.
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La principale mesure porte sur l'augmentation du bonus écologique, de 5.000 à 7.000 euros pour les véhicules électriques, et de 2.000 à 4.000 euros pour les hybrides. Le ministre du Redressement productif l'assure : ce dispositif favorisera les constructeurs tricolores, fers de lance des nouvelles technologies vertes. A-t-il raison d'être si enthousiaste ? Europe1.fr recense les gagnants et les perdants du bonus écolo.
LES GAGNANTS
Renault. La marque au losange bénéficie d'une sacrée prime. Comme le rappelle La Tribune.fr, "Renault est le constructeur le plus avancé au monde avec son allié Nissan dans les véhicules zéro émission ". Déjà en pointe – comme PSA - sur les petites citadines peu polluantes (Clio, Twingo), Renault a un train d'avance dans l'électrique, avec son quadricycle Twizy, son utilitaire Kangoo électrique et les futures Zoé et berline Fluence. Renault ne produit par contre pas encore d'hybrides.
PSA. Le groupe de la famille Peugeot a fait œuvre de pionnier avec les modèles mi diesel mi électriques, dits hybrides. Le groupe propose plusieurs véhicules, comme la 3008 Hybrid 4, la 508 hybride ou encore la Citroën DS5 hybride. Ainsi que deux véhicules 100% électriques : Peugeot Ion et Citroën C Zéro. "Il y a des clients qui sont revenus spécialement poser des questions sur les voitures hybrides en entendant l'annonce du bonus écologique, se satisfait également Arnaud, concessionnaire contacté par Europe1. On ne fait pas sauter le bouchon de champagne non plus, car ce n'est pas 2.000 euros de plus qui vont faire que tout le monde va se mettre à l'hybride. Mais cela va aider le marché. Nous sommes contents."
Toyota. Mais PSA est largement distancé par Toyota sur l'hybride, que ce soit dans le monde ou sur son propre marché, la France. Au premier semestre de cette année, la Toyota Auris et la Toyota Prius ont été les deux voitures les plus vendues dans l'Hexagone. Selon Challenges, la première voiture hybride française, la Peugeot 3008, arrive à la troisième place du classement.
Comme le précise La Tribune, Toyota a vendu rien qu'en France 4.800 véhicules hybrides sur le premier semestre 2012, auxquels il faut ajouter 1.117 modèles de haut de gamme de sa marque Lexus. PSA ne donne pas de chiffres d'immatriculations en France, mais avoue 11.000 commandes de modèles hybrides sur l'ensemble de l'Europe depuis novembre dernier.
Avec des véhicules beaucoup plus chers que son concurrent japonais - 18.500 euros pour une Toyota Yaris hybride, contre 37.600 euros pour une Peugeot 3008 par exemple- PSA est distancé. Et le bonus ne devrait pas suffire à inverser la tendance, puisqu'il profitera aussi à Toyota. Bien que plus sophistiquées et puissantes, les voitures de PSA resteront bien plus chères, même avec un bonus de 4.000 euros.
Les fabricants de bornes électriques. "Nous avons le sourire. Le bonus-malus va provoquer un effet de levier. Et avec le changement de stratégie des constructeurs, je pense qu'il va y avoir une explosion des ventes de voitures électriques. Or nous produisons 1,8 bornes par voitures, donc c'est bon pour nous", se réjouit au micro d'Europe1 Alexandre Borgoltz, patron de l'entreprise Douaisienne de basse tension, qui produit des bornes de recharge.
LES PERDANTS
Le made in France? Malgré l'avantage aux marques françaises, la production et les emplois français ne sont pas tant reboostés que ça. Si l'utilitaire Kangoo électrique et la future Zoé sont fabriqués dans l'Hexagone, les autres modèles électriques de Renault (Twizy et Fluence) sont produits en Espagne et en Turquie. Quant aux Peugeot Ion et Citroën C Zéro électriques du groupe PSA, les modèles sont conçus et produits par Mitsubishi, au Japon.
Du côté de Toyota, la Yaris hybride est assemblée à Valenciennes, dans le nord de la France. Mais les Auris hybrides compactes sont assemblées en Grande-Bretagne et tous les autres véhicules thermiques-électriques de Toyota et Lexus sont importés du Japon.
En réponse, le gouvernement demande que les constructeurs hexagonaux maintiennent "la localisation de la production de ces véhicules en France" pour bénéficier des aides prévues par le plan. Mais il ne précise pas s'ils devront rapatrier des productions déjà délocalisées.
Renault assure toutefois que 80% des véhicules électriques vendus dans le monde par ses soins seront produits en France en 2015.
Les Coréens et Allemands, voire les Italiens. Le plan de soutien profitera tout de même aux constructeurs français dans le sens où il mettra une épine dans le pied à certains concurrents. Le gouvernement a en effet déclaré la mise sous surveillance de l'accord de libre échange entre l'Union européenne et la Corée du Sud, qui laisse entrer les voitures coréennes en Europe, alors que Séoul applique traditionnellement des barrières non tarifaires sur les produits étrangers qui pénètrent en Corée. Arnaud Montebourg, a en effet dénoncé mercredi les "actes de concurrence déloyale" des constructeurs automobiles sud-coréens. "Cet accord de libre-échange entre l'Union européenne et la Corée a été naïvement passé l'année dernière et aujourd'hui nous nous retrouvons avec des augmentations sur le marché des diesels des petites cylindrées originaires de Corée. L’Europe doit être ouverte, mais pas offerte", a clamé le ministre du Redressement productif. Et l'augmentation du malus écologique devrait aussi pénaliser les grosses berlines allemandes.
Le plan fait d'ailleurs déjà pschitt chez de nombreux vendeurs. "Je ne vends que des voitures coréennes diesel, pour moi rien ne va changer", regrette un concessionnaires anonyme au micro d'Europe1. "Je vends des voitures italiennes et mes stocks s'accumulent de jour en jour. Le plan est insuffisant. Ce n'est pas avec ça que les ventes vont décoller. Il n'est pas à la hauteur des difficultés", confie un autre. Pour les vendeurs de haut de gamme, de grosses berlines allemandes par exemple, le plan est carrément à côté de la plaque. Ce qui risque de faire chuter les ventes selon eux, ce sont les futures réformes fiscales à venir (impôt à 75% sur les riches, alourdissement de l'impôt sur la fortune). Celles-ci peuvent faire fuir les contribuables les plus aisés, et donc les consommateurs de grosses berlines.