"L'Europe peut être ouverte mais elle ne doit pas être offerte." Ainsi tonnait Arnaud Montebourg, le 25 juillet dernier, pointant du doigt l'accord de libre-échange négocié en octobre 2010 entre l'Union européenne (UE) et la Corée du Sud. Le ministre du Redressement productif a réclamé la "mise sous surveillance" de cet accord par la Commission européenne et celle-ci planche sur sa demande lundi.
Lors de la présentation de son plan de soutien à la filière auto, Arnaud Montebourg avait critiqué un accord favorisant "la concurrence déloyale", "naïvement passé" entre l'UE et la Corée. Selon lui, le traité débouche même sur "des augmentations sur le marché des diesels des petites cylindrées originaires de Corée, de 1.000%"!
Pourquoi tant de haine ? Que prévoit cet accord ? Peut-on le placer "sous surveillance" ? Eléments de réponse.
Que contient cet accord ? Le projet prévoit que les deux partenaires doivent éliminer progressivement 98% de leurs droits de douane. Ce texte contient également l'élimination de barrières non douanières, notamment certaines réglementations et normes pour le secteur automobile, les médicaments ou l'électronique grand public.
En résumé, pour que la Corée vende mieux ses produits à l'UE, et inversement, les frais et les procédures sont quasiment anéanties. À titre de comparaison par exemple, les automobiles japonaises, produites hors de l'Union, se voient imposées des droits d'entrée de 10% à leur arrivée sur le marché européen. Un droit dont se voit aujourd'hui dispensé la Corée.
"Ce projet est l'accord commercial le plus ambitieux jamais négocié par l'UE. Il promet de doper les échanges commerciaux bilatéraux, de relancer la croissance des deux pays, et il témoigne de la volonté de l'UE de tisser des relations commerciales avec des pays tiers et de son engagement pour le libre-échange", vantait le Commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht, au moment de l'entrée en vigueur de l'accord, en juillet 2011.
» Pour le détail, lire : "l'accord de libre échange UE-Corée du Sud en pratique"
Quelles sont ces conséquences sur les échanges? Les mois qui ont suivi la signature ont vu les échanges commerciaux entre les deux pays être boostés. Mais avec un large avantage à la Corée. Sur les onze mois qui ont suivi la signature de l'accord, la Corée du Sud a exporté dans l'Union européenne 400.000 voitures assemblées localement, ce qui représente une hausse de 40% par rapport à la même période une année plus tôt. Dans le même temps, le pays a importé 73.000 véhicules européens, soit une hausse de 13%, renseigne Les Echos.
Début juin, Sergio Marchionne, le directeur général de Fiat qui est aussi le patron de l'Association des constructeurs européens d'automobiles (ACEA), avait dénoncé un "afflux presque miraculeux des voitures sud-coréennes". Un afflux qui concurrence donc les constructeurs européens sur le marché du vieux continent.
La Corée du Sud ne respecterait-elle pas les termes de l'accord ? Ou le pays est-il seulement plus compétitif, notamment grâce à une main d'œuvre bien moins chère ? Quoi qu'il en soit, Arnaud Montebourg compte bien réduire le déséquilibre, en plaçant ce libre-échange sous surveillance.
Que peut-faire le ministre ? Pour Arnaud Montebourg, "les conditions pour la mise en œuvre d'une mise sous surveillance sont réunies." Car l'accord prévoit que les Etats membres de l'Union européenne saisissent la Commission européenne en cas d'"une augmentation soudaine des importations".
Cette mise sous surveillance "conduit alors à imposer aux importateurs l'obtention d'une autorisation de la Commission européenne préalablement à toute importation." Si une disproportion entre les importations et les exportations est constatée par la Commission, elle pourra activer la clause de sauvegarde, renseigne Challenges.fr. Cette mesure pourrait alors entraîner la restauration de certains droits de douane et ainsi limiter les échanges et la portée de cet accord, du moins sur le secteur automobile, explique le site du magazine économique.
D'autres accords de ce type sont-ils prévus? Le texte n'est que "le premier d'une longue série en cours de négociation avec nos partenaires en Asie", écrivait l'an dernier le Commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht. On sait déjà que la Commission européenne étudie l'ouverture de négociations de libre-échange entre l'Union européenne et le Japon.