La querelle. D'un côté, il y les 55.000 taxis assermentés en France, qui ont payé en moyenne 160.000 euros leur licence. De l'autre, il y a les "voiture de tourisme avec chauffeur" (VTC), ces chauffeurs privés, souvent regroupés au sein d'une société privée, qui sont autorisés à transporter des passagers pour seulement une centaine d'euros. Ils sont environ 2.000 en France, et leur nombre ne cesse de croître. Devant cette nouvelle concurrence, les taxis font pression pour obtenir le soutien du gouvernement. Et ils semblent bien avoir obtenu gain de cause.
Le gouvernement du côté des taxis. Selon les informations d'Europe 1, l'exécutif a en effet décidé d'imposer 15 minutes de délai d'attente pour ces chauffeurs privés, une fois la réservation effectuée par le client. Le principe sera voté dans la loi de Consommation de Benoît Hamon, qui arrive mardi au Sénat, et ce délai sera ensuite fixé par décret par le gouvernement. "La contrainte des 15 minutes, c'est la mort. C'est comme lorsque vous livrez une pizza, on peut vous la livrer en 15 minutes, mais on est obligé de le faire en 45. C'est complètement ridicule", déplore déjà Mathieu Guillarme, fondateur de Voitures jaunes, au micro d'Europe1. D'autant que cette restriction s'ajoute à celles déjà statuées en juillet, où des décrets sont venus durcir les obligations de formation des chauffeurs de VTC et les obligent à régulièrement fournir des preuves de réservation.
>> Pourtant, ces chauffeurs des temps modernes représentent un vivier d'emploi et certains avantages pour les clients. Pourquoi le gouvernement veut-il tant les encadrer ? Éléments de réponse.
Les taxis dénoncent une concurrence déloyale… Sur le papier, être taxi a bien plus d'avantage qu'être chauffeur privé. Ces derniers ont en effet interdiction de stationner à la sortie des boîtes de nuit, des gares ou encore des aéroports, pour recruter leurs clients. Mais dans les faits, dénoncent les taxis, certains ne se privent pas d'y aller. Rien ne justifierait alors que les VTC paient moins cher leur licence. "Ces sociétés ne font pas le même métier que nous. Elles ont tous les avantages sans aucune contrainte financière", dénonce ainsi Didier Hogrel de la Fédération Nationale des taxis. "Ces gens là n'ont quasiment pas de frais parce qu'ils peuvent parfaitement louer des voitures. Et la plupart du temps, on voit qu'ils fonctionnent sous le statut d'auto-entrepreneurs", renchérit-il sur Europe1.
… Et une précarisation de leurs métiers. Le nombre de VTC est passé de 0 à 2.000 entre 2009, date de création du statut, et 2013. Et plusieurs rapports, dont celui sur la "libération de la croissance" rédigé par la Commission de l'économiste Jacques Attali en 2008, vantent les bienfaits pour l'emploi d'une ouverture du secteur à la concurrence. Mais pour les taxis, cela ne va faire que détruire des emplois chez eux pour en créer des plus précaires ailleurs. "Nous prohibons l'exploitation de tels services, qui n'ont pour but que d'installer de nouvelles mégastructures capitalistiques et internationales. Demain, elles ne feront qu'ajouter à notre métier une surcouche de précarisation et d'exploitation. ( ...) Réfléchissez bien avant de vous lancer dans cette aventure qui n'est qu'une galère", a ainsi dénoncé la Fédération des Taxis indépendants d'Ile-de-France, dans un SMS envoyé à ses membres et relayé par Le Nouvel Obs.
Les taxis abusent-ils ? Les patrons d'entreprise de VTC réfutent en bloc les arguments des taxis. Selon eux, il n'y a pas besoin d'aller chercher des clients dans les gares ou les boites de nuit, car il y en assez ailleurs pour tout le monde. Paris compte, en effet, moins de trois taxis et VTC pour mille habitants, contre cinq à Berlin et onze à Londres. D'autant que leurs clients, les VTC les méritent souvent. Super-réactif grâce à un système de commande par Smartphone, ils mettent un point d'honneur à proposer une gamme de services peu présents chez les taxis : eau minérale, parfois i-pad et wi-fi à disposition. Certes plus cher en moyenne que les taxis (de 20%, selon Le Nouvel Obs), ils ont, en revanche, l'obligation d'annoncer le tarif net de chaque course à l'avance.
Quant à la précarisation du métier, elle n'est pas remarquée par tout le monde. "Avec les VTC, on peut gagner autant, en travaillant moins et dans de meilleures conditions. On est complètement maître de ses horaires : on peut, par exemple, ne travailler qu'aux heures de pointe", témoigne ainsi un ancien taxi parisien, dans les colonnes de l'hebdomadaire.
La menace de l'opération escargot. Outre la volonté d'encadrer un secteur très peu réglementé jusque là, le gouvernement a de quoi craindre la colère des taxis, qui menacent d'une action s'ils ne sont pas entendus. En janvier dernier, il a suffit d'une seule journée de mobilisation pour faire reculer l'exécutif sur la question des changements législatifs concernant le transport des malades. La quasi-totalité des taxis avait décidé de bloquer le trafic à Paris, Marseille, Nantes, Dijon, Lyon, Bordeaux, Toulouse ou encore Montpellier. Pas étonnant alors que sur les routes comme dans les tuyaux gouvernementaux, ça bouchonne.