En pleine controverse sur le compte pénibilité, la DARES (direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques) jette un pavé dans la mare. Selon une étude de cet organisme rattaché au ministère du Travail, près de 8 millions de salariés, soit 40% d'entre eux, ont été exposés à au moins un facteur de pénibilité en 2010, comme le bruit, le travail répétitif ou le port de charges lourdes. Plus inquiétant, 10% des salariés subissent le cumul d'au moins trois de ses facteurs. Les hommes sont largement plus concernés par les risques au travail. Ainsi, 46 % des hommes ont été exposés à au moins une pénibilité, contre 31% des femmes. Autre enseignement de cette étude : les travailleurs les plus exposés à la pénibilité sont les ouvriers, ainsi que les stagiaires et les intérimaires.
Les ouvriers surexposés. Selon cette étude, un critère est déterminant : la catégorie sociale. 70% des ouvriers y sont soumis, contre seulement 12% des cadres et professions intellectuelles supérieures. Les ouvriers non qualifiés sont les plus exposés à des postures pénibles, alors que les ouvriers qualifiés sont les plus concernés par les vibrations mécaniques.
La construction et la santé, secteurs à risques. Les salariés du secteur de la construction sont particulièrement exposés, avec 66%, ainsi que 56% des salariés de l'industrie manufacturière et 52% dans l'agriculture et le secteur de l'eau et de la gestion des déchets. Certains domaines d'activité tertiaires sont aussi à risques : près de 40% des salariés dans les secteurs de la santé et de la réparation automobile, ou encore 30% dans l'hébergement et la restauration.
Les stagiaires et les intérimaires en première ligne. L'influence du contrat de travail sur l'exposition à la pénibilité est aussi particulièrement marquée. 62% des intérimaires et 52% des apprentis ou des stagiaires ont été confrontés à un de ces facteurs en 2010, contre 40% des salariés en CDI et 32% de fonctionnaires. Autre constat : plus on est jeunes, plus on a de chance d'être confronté à ces risques. La moitié des moins de 25 ans ont ainsi été exposés à une pénibilité, contre 40% des 25-34 ans ou 30% des plus de 55 ans.
Des risques pour la santé à long terme. L'impact de ces facteurs de pénibilité sur la santé des travailleurs se mesure surtout à moyen et à long terme. Ainsi, 17% des salariés de plus de 55 ans et exposés à au moins trois de ces facteurs déclarent être limités dans leur quotidien à cause d'un problème de santé, contre 11% pour les salariés non exposés.
Combien de personnes concernées par le compte-pénibilité ? Cette étude évalue donc largement à la hausse le nombre de salariés concernés par un des dix facteurs de pénibilité pris en compte par la loi sur la réforme des retraites. En septembre 2013, le gouvernement estimait que 3,3 millions de salariés du privé seraient concernés par le compte pénibilité, voté en janvier dernier. La DARES comptabilise, elle, 8 millions de personnes concernées, soit plus du double. Le compte pénibilité entrera pour partie en vigueur au 1er janvier 2015, puis en totalité au 1er janvier 2016.