Les hôpitaux peuvent-ils devenir des organisations caritatives ? Un décret autorisant les établissements de santé publics à créer des fondations hospitalières a été publié il y a tout juste un mois, relève mardi La Tribune. Ils peuvent ainsi recueillir des fonds issus de dons, de legs ou du mécénat pour financer leurs propres recherches. Un dispositif censé donner de l'air aux finances publiques… mais qui inquiète, car il risque de donner un droit de regard au privé sur la recherche publique.
Le pour : de l'air pour le budget de l'Etat. Alors que le gouvernement veut faire des coupes dans le budget de la Santé, à hauteur de 10 milliards d'euros, la mesure peut paraître salvatrice. Les donateurs, qui pourront être des particuliers ou des entreprises, pourront ainsi investir dans des projets de recherche dans tous types de branches : cancer, cardiovasculaire, maladies neuro-dégénératives, maladies rares, pédiatrie, obésité-nutrition, vieillissement... Ces projets se mettront ainsi en marche dans les hôpitaux qui ont réussi à lever les fonds.
Il s'agit ainsi de donner aux hôpitaux "un nouvel outil pour renforcer leur attractivité en matière de recherche, notamment industrielle", défend le ministère de la Santé dans un communiqué. Il s'agit également de "permettre à davantage de patients d'accéder aux dernières innovations thérapeutiques, et d'accélérer le transfert vers l'industrie dans un secteur créateur d'emplois et à fort potentiel de développement économique en France et à l'export".
Le contre : un risque d'inégalité… et d'intrusion du privé. Mais le gouvernement n'a pas levé toutes les inquiétudes, notamment en termes d'égalité des territoires et des projets. Car les entreprises pourraient investir en masse dans les hôpitaux déjà en pointe et dans des secteurs déjà rentables, et délaisser les autres. Elles pourraient, en effet, "donner" de l'argent pour développer le secteur qui les arrange. "Certains établissement pourront être attractifs pas d'autres. Et les fonds risquent aussi d'être volatils, de passer à un autre projet en fonction d'intérêts financier, et de laisser des branches dépérir", s'inquiète Jean Vignes, secrétaire général de Solidaires Santé, cité par La Tribune.
Ce dernier craint par ailleurs une trop grande intrusion du privé dans la recherche publique. En clair, qu'en sous mains, certains établissements troquent de l'argent contre des connaissances. Il craint de généraliser l'exemple du Généthon, un laboratoire à but non lucratif créé par l'Association française contre les myopathies, ouvert aux financements privés et qui a selon lui "alimenté les laboratoires américains en brevets". Aucun risque de dérives, tient toutefois à rassurer le gouvernement : les projets seront strictement encadrés par l'Institut national de recherche scientifique, les Agences régionales de la santé et les divers comités éthiques des établissements.
Aucun hôpital n'a encore officiellement franchi le cap pour le moment mais "beaucoup souhaitent le faire très rapidement", précise le ministère.