Religion en entreprise : conflits en hausse, mais minoritaires

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Anne-Laure Jumet et Noémi Marois , modifié à
EXCLU E1 - Le fait religieux prend de plus en plus de place dans le monde de l'entreprise mais les "cas bloquants" sont "peu nombreux selon un rapport de Randstad.

Les cas de conflits concernant la religion ont augmenté en 2015. C'est le résultat d'une étude publiée mardi par l'un des leaders de l'intérim, Randstad et par l'Observatoire du fait religieux dans l'entreprise (OFRE) que vous révèle Europe 1. Alors que cette étude est menée depuis trois ans, les cas conflictuels ont marqué une hausse mais restent minoritaires avec seulement 12% des faits constatés. De plus, un quart des 1.296 personnes interrogées déclarent rencontrer régulièrement la thématique religieuse dans leur travail. La religion s'ancre de plus en plus dans le monde de l'entreprise mais "les cas réellement bloquants sont toujours très peu nombreux", souligne Aline Crépin, déléguée générale de l'Institut Randstad pour l'égalité des chances. 

La parole libérée. 23% des managers disent avoir rencontré la question du fait religieux en entreprise, un nombre qui a doublé en un an. Les auteurs de l'étude relèvent en effet une crispation sur le terrain avec notamment des tensions entre collègues et le sentiment des pratiquants d'être stigmatisés. Certains événements ont libéré la parole comme le mariage pour tous ou les attentats de Charlie Hebdo et de l'Hypercasher. Autant d'occasions de débats animés au sein des entreprises. Mais "depuis trois ans, nos enquêtes le montrent : il n'y a pas d'explosion du fait religieux en entreprise", relativise Lionel Honoré, directeur de l'OFRE. Pour preuve, seulement 8% des salariés se disent "gênés" par la pratique religieuse de leurs collègues. 

De plus en plus de signes religieux. La religion s'affiche aussi avec moins d'hésitation. Par exemple, le port religieux ostentatoires qui passe de la troisième à la seconde place des faits les plus rencontrés. Le premier cas rencontré par les personnes interrogées reste, comme en 2014, les demandes d'absences pour fêtes religieuses. 

Menaces d'accusation de racisme. Si dans la majorité des cas, ces cas ne posent pas problème, certains se révèlent problématiques, comme quand des salariés hommes refusent de travailler avec une salariée femme ou des demandes de travailler avec des personnes de même religion. Des situations que les managers peuvent avoir du mal à gérer. En cause ? Les menaces d'accusation de racisme ou de discrimination sont avancées en premier, la remise en cause de la légitimité du manager ou de l'entreprise et le refus de discuter sont aussi évoqués.

Refus d'adresser la parole à une femme. Les convictions religieuses peuvent remettre aussi en cause la sécurité dans les entreprises. "Nos collègues, femmes pour l'essentiel, nous ont rapporté que dans certains cas certains personnel de sol refusaient de les saluer, de leur serrer la main par respect de leurs convictions religieuses", explique ainsi à Europe 1 Véronique Damon, pilote et secrétaire général du SNPL Air France. 

"Dans le cas le plus le plus extrême", elle rapporte un refus "d'adresser la parole" à "une collègue femme". "Le fait de ne pas saluer quelqu'un, si j'ai personnellement du mal à le comprendre, n'a pas d'impact direct sur la sécurité des vols", estime-t-elle, mais "le fait de faire un détour pour ne pas avoir à être confronté à une présence féminine, on atteint là un problème de sécurité car en cas d'incident,  c'est cette personne là qui doit avertir l'équipage en cas de fuite carburant ou d'incendie". Comment va-t-elle faire si en cas de danger, elle refuse de s'adresser à des pilotes femmes, interpelle la secrétaire générale.  

"Le service juridique est informé" de ce genre de dérive mais "il ne se passe pas grand chose d'autre", déplore Véronique Damon qui précise cependant qu'il s'agit "d'une toute petite minorité". 

Oui à la prière, non à des horaires aménagés. Les salariés dans leur globalité sont en attente de neutralité vis-à-vis de la religion et n'acceptent pas que les croyances viennent perturber le fonctionnement des entreprises. La prière est tolérée pendant la pause repas pour 75% des salariés et 80% d'entre eux comprennent que pour un raison religieuse, on puisse demander une autorisation d'absence. A l'opposé, la majorité d'entre eux ne souhaitent pas que les pauses soient définies selon les horaires de la prière. Deux tiers d'entre eux se disent également contre le port ostensible de signes religieux. 

Pour faire face à cette montée du religieux, certaines entreprise n'hésitent plus désormais à outiller leur managers, telle la RATP qui a distribué en 2013 un guide "Laïcité et neutralité" à ses chefs d'équipe. L'entreprise de recyclage Paprec est allée plus loin, en adoptant en 2014 une charte interdisant le port de signes religieux chez ses salariés. Le moyen selon elle de prévenir d'éventuels conflits.

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