Sur le terrain. "La question de la pénibilité, nous en parlons depuis des années mais c'est la première fois qu'elle est abordée avec autant de précision." Jean-Marc Ayrault, en visite à 5h du matin sur un chantier du futur tramway de Vélizy-Villacoublay, dans les Yvelines, a esquissé son projet pour la réforme des retraites à venir. Devant la France qui se lève tôt, le Premier ministre a promis des "mesures ambitieuses" pour ceux dont les conditions de travail sont les plus rudes. Et confirmé notamment l'intérêt porté par le gouvernement à la proposition d'un compte-épargne lié à la pénibilité.
>>> Un discours qui s'inscrit dans la démarche de l'exécutif de faire passer en douceur la réforme des retraites qui s'annonce, et comprendra d'autres mesures nécessaires, beaucoup moins douces. Décryptage.
À quelle réforme peut-on s'attendre ? Alors que le gouvernement doit trouver 7 milliards d'euros pour pérenniser le système de retraite d'ici à 2020, l'exécutif a déjà prévenu que les Français devront travailler plus longtemps. S'il exclut tout report de l'âge légal de départ à la retraite, un allongement de la durée de cotisation ne fait plus de doute. Des informations de presse ont par ailleurs fait état lundi de la piste d'un relèvement de la contribution sociale généralisée (CSG), de 0,2 à 0,5 point. "Les décisions seront prises au Conseil des ministres du 18 septembre mais nous avançons vers la décision", a indiqué Jean-Marc Ayrault.
Qu'est-ce qu'un compte-épargne pénibilité ? La mesure permettrait aux salariés dont les métiers sont les plus pénibles de se reconvertir ou de partir plus tôt à la retraite, comme le suggère le rapport Moreau sur les retraites remis en juin. Concrètement, les salariés bénéficieraient d'un certain nombre de points en fonction de leur temps passé en situation de pénibilité. Ces points leur permettraient ensuite soit d'obtenir des trimestres pour partir plus tôt à la retraite, soit d'effectuer une formation pour se réorienter, soit de travailler à temps partiel en fin de carrière. Par exemple, 10 trimestres d'exposition à des facteurs de pénibilité déclencheraient le droit à un trimestre de congé formation. Et 30 trimestres d'exposition permettraient le rachat d'un trimestre au titre de la retraite.
Qui pourrait obtenir ces points ? Il existe dix facteurs de pénibilité, listés par la réforme Fillon de 2010 : des facteurs physiques (manipulation de charges, postures pénibles), liés à un rythme de travail fatiguant (travail de nuit, travail répétitif) ou à un environnement agressif (bruit, agents chimiques). Le rapport Moreau propose de les reprendre comme base. Coût d'un tel dispositif: 2,1 milliards d'euros par an selon le rapport Moreau, qui suggère un financement "mutualisé".
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La réforme Fillon ne suffit-elle pas ? Le but de la future réforme est de corriger celle mise en place par François Fillon en 2010. Avec cette dernière, les salariés ont la possibilité de partir à la retraite dès 60 ans et à taux plein en cas d'incapacité permanente d'au moins 10 % (c'est un médecin conseil du contrôle médical de l'Assurance maladie qui calcul ce taux) au titre d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail. Et en cas de taux total inférieur à 20%, il faut apporter la preuve d'une exposition à des facteurs de risques pendant au moins 17 ans et obtenir l'avis d'une commission.
Il s'agit donc de prouver, avant la retraites, que l'on est affecté. Or, "ce sont surtout des dégradations de la santé postérieures qui impacteront l'espérance de vie en santé, surtout dans le cas des cancers d'origine professionnelle ", critique le rapport Moreau. Moins de 6.000 salariés affiliés au régime général ont profité de ce système depuis juillet 2011.
La durée de cotisation inchangée jusqu'à 2020 ? Autre décision envisagée par le gouvernement pour adoucir la réforme des retraites : prendre son temps pour mettre en place l'allongement de la durée de cotisation. "A priori, il sera choisi de ne l'allonger qu'à partir de 2020. Le faire avant, ce serait la loi de l'enquiquinement maximum, cela ne rapporterait pas grand-chose", explique une source "au sommet de l'exécutif", citée mardi par Le Figaro.