Le ton monte parmi les employés d’Air France. Alors que les pilotes de ligne continuent leur mouvement de grève, plus de 500 employés de la compagnie aérienne ont manifesté mercredi pour dénoncer le jusqu’au-boutisme des grévistes. Des pilotes accusés d’avoir, en plus de leur statut confortable, fait moins d’efforts que les autres catégories de personnel.
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"Une minorité de nantis met tout en danger". Face à un mouvement de grève qui perdure, le ton est monté d'un cran chez Air France après plus d'une semaine de blocage. "Les pilotes au boulot ! Non à la grève", ont scandé les manifestants, des personnels au sol et d'escale, agents de maintenance, techniciens, quelques pilotes et des commerciaux de l'entreprise.
"On a su relever l'entreprise en se serrant la ceinture pendant des années, et une minorité de nantis met tout en danger. Les pilotes parlent de dumping social, mais ce n'est que pour eux. C'est un mouvement ultra-corporatiste", a dénoncé Jean-Pierre Bernasse, agent au sol qui travaille depuis 36 ans chez Air France. Mais de quels efforts parle-t-il ?
Ces économies imposées aux employés d’Air France. Confronté à la concurrence des compagnies low-cost, mais aussi des compagnies du Golfe persique pour le haut de gamme, Air France a lancé en 2012 le plan Transform 2015 pour redevenir rentable. Avec un objectif chiffré : améliorer l’efficacité de 20% en réduisant les dépenses et en faisant travailler davantage les employés.
Dans le détail, toutes les catégories de salariés ont subi un gel des salaires, une révision moins avantageuse du système d’ancienneté, ainsi qu’un plan de départ volontaire. Le personnel opérant au sol a été privé de 4 à 5 jours de RTT pour les non cadres et d’environs 11 jours de RTT pour les cadres.
Et les pilotes plutôt épargnés. En ce qui concerne les pilotes, le secrétaire général du syndicat CFE-CGC Air France est formel : "l’accord instaurant les 35 heures n’a pas été remis en cause", précise Ronald Noirot, interrogé par Europe 1. En clair, ils n’ont perdu aucune RTT ou journée de compensation.
En revanche, il leur a été demandé d’effectuer davantage d’heures de vols dans l'année. Et leur nombre a été réduit dès que c’était possible : il n’y a désormais plus que deux pilotes au lieu de trois pour les vols inférieurs à neuf heures et trente minutes. Sans oublier le non-renouvellement des uniformes en 2014, la réduction de l’indemnité pressing, la fin de la gratuité des capsules Nespresso au siège, la révision des prestations repas pour les navigants à bord et des hôtels en escale, selon Challenges. Et Air France a récupéré le siège en classe affaires qui été accordé aux pilotes sur les vols très long-courrier pour leurs repas.
Les pilotes accusés d’en avoir moins fait : un sentiment et des chiffres. Toutes les catégories de personnel ont donc participé à l’effort, mais dans des proportions très variables. D’où le ressentiment du personnel au sol et des stewards, très palpable sur le forum de la pétition en ligne dénonçant la grève des pilotes de ligne. "Caste", "privilège", "indécent", "dédain", "caprice d’enfants gâtés", etc. : un reproche revient sans cesse, celui d’avoir fait moins d’efforts.
Mais au-delà de ce sentiment diffus, qu’en est-il dans les faits ? Le secrétaire général du syndicat CFE-CGC Air France a pu consulter un document interne récent qui fait un bilan d’étape du plan Transform 2015. Et les chiffres sont éloquents : sur les 20% de gains de productivité espérés par la direction, "les personnels au sol en sont aujourd'hui à 19% et devrait atteindre 20% d’ici la fin de l’année. Le personnel naviguant en cabine devrait en réaliser 15% mais les pilotes sont à 5% seulement", assure Ronald Noirot au micro d’Europe 1. De quoi alimenter encore un peu plus un certain ressentiment.