Bien malin qui peut dire ce que deviendra l’écotaxe. Cette taxe, qui repose sur le principe de pollueur-payeur, continue de virer à l’imbroglio après les dernières déclarations de Ségolène Royal. La ministre de l’Ecologie, qui avait annoncé son report "sine die", a assuré lundi qu’elle verrait bien le jour. Reste à savoir sous quelle forme.
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L’écotaxe vivra. Le 9 octobre, la nouvelle tombait : "nous avons décidé de suspendre sine die le dispositif d'écotaxe", annonçait la ministre de l'Ecologie et de l'Energie, tout en se gardant bien de prononcer le terme "suppression". Ségolène Royal est revenue lundi sur le complexe dossier de l’écotaxe et a fait dans l’explication de texte : ce n’est pas parce que le contrat avec Ecomouv, la société chargée de collecter cette taxe, a été annulé que le principe même d’une telle fiscalité verte est enterré. Bien au contraire.
La décision du gouvernement prise le mois dernier est "la suspension du contrat avec Ecomouv' qui n'est pas la suspension de l'écotaxe et certainement pas la suspension non plus du principe pollueur/payeur", a assuré Ségolène Royal, avant d’ajouter : "je le répète, il y a beaucoup de confusion sur ce sujet : ce n'est pas la suspension de l'écotaxe, qui est inscrite dans la loi, c'est la suspension des modalités de l'application de cette écotaxe sous la forme du contrat Ecomouv' qui n'était pas opérant et d'ailleurs qui n'a pas commencé, même dans son aspect expérimentation".
L’Etat consulte pour éviter un nouveau bras-de-fer. Reste donc à trouver la bonne formule pour une écotaxe 2.0. Pour éviter de se mettre à nouveau à dos les transporteurs routiers, le gouvernement a mis en place d'un groupe de travail pour trouver une solution avec eux. Ces discussions doivent déboucher "d'ici juin 2015".
Mais l’équation reste compliquée : les transporteurs routiers sont ceux qui usent le plus le réseau routier et doivent donc participer à son entretien. Sauf que le secteur est financièrement au plus mal, concurrencé depuis plusieurs années par des transporteurs, souvent originaire d’Europe de l’Est, qui ont cassé les prix.
Quelles sont les pistes possibles ? Le temps de trouver une taxe acceptable par tous, le gouvernement a fait voter une hausse de 4 centimes d'euros sur le gazole pour les poids lourds applicable au 1er janvier 2015. Mais cette solution n’est que temporaire car imparfaite : les nouvelles générations de camions ont des réservoirs tels qu’il est possible de traverser la France sans faire le plein. Résultat, les poids lourds étrangers peuvent rouler sur les routes françaises sans être mis à contribution : on est loin du principe de pollueur-payeur.
Gouvernement et transporteurs s’activent donc pour trouver le bon équilibre mais les pistes actuelles ne sont pas plus convaincantes. Le syndicat de transporteurs routiers OTRE propose l’instauration d’une vignette à payer à la frontière et valable une semaine ou un mois, mais un tel système serait compliqué à mettre en place et à contrôler. Autre piste possible : interdire aux camions d’emprunter les routes nationales et les obliger à prendre l’autoroute, et donc à payer des taxes. Ségolène Royal a également soulevé une autre hypothèse : taxer davantage les sociétés d’autoroutes, devenues de véritables machine à cash pour leurs propriétaires. Sauf que ces dernières disposent de services juridiques redoutables et ont des relais à tous les étages de l’administration française.
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Et, en attendant, envisage de laisser les régions l’expérimenter. Si l’écotaxe est catégoriquement rejetée en Bretagne, d’autres régions y sont très favorables. Et notamment l’Alsace-Lorraine, dont le réseau routier est saturé par les poids lourds étrangers qui préfèrent faire un détour en France pour éviter les routes allemandes… où ils doivent payer une écotaxe. Résultat, des chaussées qui s’abiment beaucoup plus vite et aucune rentrée d’argent supplémentaire pour les rénover.
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François Hollande s'est donc déclaré favorable à une éventuelle "expérimentation" régionale de l'écotaxe , "si les élus en décident et si elle est compatible avec nos engagements européens". D’ici là, le gouvernement a, lui, une autre priorité : limiter la facture de l’annulation du contrat avec Ecomouv, la société chargée de collecter l’écotaxe. Et l’enjeu est de taille : la société espère une indemnisation de 830 millions d’euros, au minimum.
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