Après le procès de San Jose, le monde du smartphone pourrait ne plus être le même. Samsung et Apple, leaders mondiaux du marché, s’affrontent depuis lundi devant le tribunal californien, à quelques kilomètres du siège de la firme à la pomme. La procédure a débuté avec la sélection d'un panel de 10 jurés parmi un groupe de 70 personnes. Ces derniers ont dû répondre à des questions sur d'éventuels liens des jurés potentiels ou de leurs proches avec Apple, Samsung, le groupe internet Google ou sa filiale Motorola.
L'enjeu est colossal pour les deux géants de la haute technologie : Samsung pourrait se voir interdire de commercialiser sa gamme de smartphones Galaxy et ses tablettes informatiques aux Etats-Unis tandis qu'Apple mettra à l'épreuve sa stratégie mondiale de brevets.
Apple réclame près de 2 milliards d’euros
C’est la firme américaine qui a ouvert les hostilités il y a un an en portant plainte contre sa rivale sud-coréenne, qui lui a dans l’intervalle dérobé sa place de numéro un mondial du secteur. Apple accuse Samsung d’avoir violé quatre de ses brevets de design et trois brevets de technologie portant notamment sur les commandes tactiles de l'iPhone. En réponse, Samsung a porté plainte à son tour, reprochant à Apple d'avoir violé plusieurs de ses brevets couvrant les technologies de télécommunications ou certaines fonctions spécifiques de ses "smartphones". Depuis, les deux camps ont porté le dossier devant la justice d'une dizaine d'autres pays, dans plusieurs pays européens et en Australie notamment.
Lors du procès de San Jose, Apple réclamera au moins 2,3 milliards de dollars (1,9 milliard d'euros) de dommages et intérêts. Mais la juge Lucy Koh, qui présidera les débats, peut tripler ce montant si elle conclut que Samsung a délibérément violé les brevets déposés par le groupe à la pomme. La magistrate a déjà suspendu en référé les ventes de sa tablette Galaxy de 10 pouces et de son téléphone Galaxy Nexus, conçu avec Google qui en fournit le système d'exploitation. En outre, il a été établi la semaine dernière que Samsung avait négligé de préserver des preuves en détruisant des courriels après le lancement des poursuites.
Les autres sociétés attentives
Les choses emblent donc mal engagées pour la société sud-coréenne. Une défaite de Samsung pourrait aboutir à une interdiction permanente de vente de certains de ses produits, y compris son modèle phare actuel, le Galaxy S III, explique Nick Rodelli, avocat et conseil d'investisseurs institutionnels pour CFRA Research. Le Galaxy S III n'est pas directement concerné par le dossier mais en cas de victoire, Apple pourrait demander à la juge d'étendre à ce modèle une interdiction de vente. Samsung pourrait ainsi voir jusqu'à 20% de ses bénéfices consolidés globaux menacés s'il perd, ajoute Nick Rodelli.
En revanche, si Apple n'obtient pas gain de cause, le géant américain risque non seulement de devoir indemniser le sud-coréen mais aussi de se retrouver confronté à une concurrence plus sérieuse que jamais. Car ce conflit juridique est suivi de près par d'autres grands noms du secteur : des entreprises comme Microsoft, IBM , Nokia et Research In Motion, le concepteur du Blackberry, ont engagé des procédures dans le but d'empêcher que soit dévoilé lors du procès le contenu de certains de leurs propres accords de licence de propriété intellectuelle.
La balle est donc désormais dans les mains du jury populaire. Une dizaine de personnes qui, à l’issue d’au moins quatre semaines de débat, devront rendre une décision obligatoirement unanime. En ayant pesé, sans aucun doute, l’importance de leur jugement.