L’Europe veut passer à l’action. La lutte contre la fraude fiscale figurera au menu du prochain sommet européen du 22 mai, a annoncé vendredi le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, afin de "profiter de l'élan politique actuel". Première étape de cette remise en cause du secret bancaire : obliger les 27 pays membres à accepter l'échange automatique d’informations pour faciliter les enquêtes. Un début de réforme loin d’être acquis.
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• Le contexte. Les révélations du Offshore leaks, mais aussi le scandale Cahuzac en France, ont remis sur le devant de la scène un problème au long cours : l’opacité du système financier mondial et la persistance des paradis fiscaux. Pire, ces derniers ne se sont jamais aussi bien portés depuis la crise de la dette en zone euro et le tour de vis fiscal qui en a résulté. Depuis, les fortunes les moins scrupuleuses exfiltrent leur argent pour le placer en "offshore". L’Union européenne s’empare donc à nouveau du dossier et ambitionne d’imposer plus de transparence. Avec quels résultats ?
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• Le Luxembourg coopératif ? Lorsqu’il est question de blanchiment d’argent sale, "d’optimisation" et de fraude fiscale, un nom revient souvent : le Luxembourg. Etape quasi-obligée des particuliers et des entreprises qui contournent le fisc, légalement ou non, le Grand-Duché refusait quasi-systématiquement d’aider ses voisins lorsque ces derniers enquêtaient sur une affaire. Sous pression européenne, le Luxembourg semble prêt à être plus coopératif. "Nous pouvons sans danger introduire l'échange automatique à partir du 1er janvier 2015", a déclaré vendredi le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker.
• Le diable se cache dans les détails. En apparence, le Luxembourg opère donc un virage d’importance en promettant de donner des informations aux pays européens qui les demandent. Mais dans les faits, il est loin de renoncer aux attributs d’un paradis fiscal, et pour cause : cet échange d’information ne concernerait que l’épargne des "personnes physiques qui ont leur résidence dans un autre Etat membre de l'Union européenne". En clair, les placements sous forme d’assurance-vie ou via un fond d'investissement ne seraient pas concernés, tout comme les entreprises (Amazon, les sociétés de l’animateur Arthur, etc.) et les non-Européens, de plus en plus nombreux. La coopération ne se ferait alors que pour les comptes épargne classiques, de moins en moins utilisés par les délinquants en col blanc. L’acte de contrition luxembourgeois est donc surtout cosmétique.
• L’Autriche tient aussi à son secret. Le Luxembourg ayant fait une micro-concession, tous les regards se tournent désormais vers Vienne. Mais l'Autriche "tiendra bon sur son secret bancaire", a prévenu vendredi la ministre des Finances, Maria Fekter, invoquant le respect de la vie privée. Et cette dernière de rappeler, avec malice, qu'il fallait "assécher les vrais paradis fiscaux dans la sphère de l'UE". Une manière à peine voilée de pointer du doigt le Royaume-Uni (Jersey, Guernesey, Gibraltar, Anguilla) et toutes ses dépendances (Bermudes, Iles Caïmans, etc.), mais aussi les "protégés" de la France (Monaco, Andorre), des Pays-Bas (Antilles, Aruba, etc.) ou encore de l’Italie (San Marin).
• L’Europe se contentera-t-elle d’une opération de com’ ? Si l’Autriche n’est pas vertueuse, elle pointe néanmoins les limites de l’opération "mains propres" initiée tardivement par l’UE. Cette dernière ne s’attaque pas à tous les paradis fiscaux du Vieux Continent et se félicite même des concessions toutes relatives arrachées par exemple au Luxembourg. Le Grand-Duché l’a d’ailleurs reconnu, il n’a pas "cédé à la pression allemande", mais à la "position radicale des Etats-Unis". Un pays qui, avec la loi Fatca de 2010, a décidé de hausser le ton avec de vraies menaces, notamment interdire purement et simplement les organismes non-coopératifs de toute activité sur le sol américain.
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