"Un poison lent, une drogue dont il faut se désintoxiquer". C'est en ces termes que le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, s'est alarmé du trou historique de la Sécu en 2010, évalué à près de 30 milliards d'euros, et de l'ampleur de la dette sociale. Dans le rapport rendu public jeudi, l'institution presse le gouvernement de réduire les déficits des comptes sociaux qui, selon elle, ne sont pas uniquement dus à la crise et relève aussi une consommation de médicaments par les Français "exceptionnellement forte". En 2009, les Français ont consommé près de 36 milliards d'euros en médicaments, soit 18% de plus qu'en 2004.
Europe1.fr passe en revue les dysfonctionnements pointés du doigt par la Cour des comptes.
Une faible maîtrise des prescriptions. Selon le rapport, "les multiples dispositifs contractuels" n'ont pas "substantiellement infléchi une culture de prescription qui privilégie les médicaments récents et chers". D'après la Cour des comptes, cette "culture" se singularise aussi par l'importance du hors autorisation de mise sur le marché". A l'hôpital, les magistrats constatent une "absence quasi totale de régulation". Les prescriptions d'origine hospitalière sont à l'origine de 9,4 milliards d'euros de dépenses de médicaments, soit plus du tiers de la dépense prise en charge par la Sécurité sociale (+75% depuis 2002).
Des critères de fixation des prix trop "flous".La Cour des comptes estime que la procédure fixant les prix des médicaments est "trop complexe" et "peu transparente". D’après les magistrats, les décisions d’admission au remboursement et de fixation du taux de prise en charge par la Sécurité sociale manquent de transparence. "Les prix des médicaments sont fixés les uns par rapport aux autres sans que ne soit réellement posée la question de l'adéquation du niveau de dépense au service médical rendu, avec pour conséquence une divergence des prix vers des niveaux parfois très élevés",souligne le rapport. La Cour regrette ainsi que l'admission au remboursement puisse se faire sans lien avec l'avis de la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS) sur l'intérêt thérapeutique.
En 20 ans, le prix moyen de vente d'un médicament est passé de 3,09 euros à 6,95 euros. A cela s’ajoute le fait que certains traitements ne rendent pas un service médical suffisant. Cela a notamment été le cas pour le Mediator.
Les limites des génériques. La Cour constate que la politique de développement des génériques n'a connu que des résultats limités par rapport aux autres pays européens et "s'essouffle", contrecarrée par les "contre-génériques". Ces nouveaux médicaments, développés par les laboratoires dont le monopole d’exploitation de certaines molécules arrivait à échéance, sont très voisins des molécules d'origine, tant sur le plan chimique et des effets constatés.
Alors que le gouvernement s'apprête à plancher sur le budget de la Sécurité sociale pour 2012, nul doute que les conclusions du rapport de la Cour des comptes ne resteront pas lettres mortes.