"La Suisse accepte l'impérialisme français!", "Berne a trop cédé à Paris" et a concédé une "petite révolution". Ainsi parlait la presse suisse vendredi de la nouvelle convention franco-suisse sur les droits de succession, en cours de négociation.
Des experts interrogés par le journal suisse Le Temps, qui publie sur son site internet le texte intégral du projet, sont formels: "c'est une petite révolution qui concernera plus d'une centaine de milliers de personnes, et non pas seulement les quelque 2.000 riches Français bénéficiant d'un forfait fiscal en Suisse". Le journal a soumis le projet de convention à quatre fiscalistes, en France et en Suisse. Ces fiscalistes sont d'accord sur un point : la réforme concerne tous les héritiers domiciliés en France de résidents suisses.
" Avec plus de 170.000 Suisses installés en France et 155.000 Français établis en Suisse, autant dire que cette réforme risque de faire grincer des dents", écrit, de con côté, La Tribune de Genève.
Berne voulait éviter une zone de "non droit"
Concrètement, les Français ont demandé une révision de la Convention en vigueur depuis 1953, qui applique le droit du pays où le défunt est résidant, soit la Suisse dans la plupart des cas. Or la Suisse n'impose que très peu ses successions, voire par du tout, selon le canton où résidait le défunt.
Dans un contexte où la France a besoin d'argent pour combler un déficit abyssal, dans le cadre du "redressement dans la justice" promis par la gauche et alors que les exilés fiscaux ne cessent d'être pointés du doigt, les Français veulent désormais appliquer le droit du pays où réside l'héritier, soit très souvent en France, où les droits de succession peuvent être très élevés.
"Si on ne donnait pas satisfaction à la France sur ce dossier, Paris avait menacé de dénoncer unilatéralement la Convention, et d'appliquer son droit", a indiqué une source proche du dossier.
Et Berne de son côté voulait à tout prix éviter une situation de "non-droit", soit une absence de convention, afin de donner un minimum de sécurité juridique à ses contribuables. Interrogé sur ce projet de convention, les services fiscaux de Bercy se sont refusés à tout commentaire, arguant du fait que le texte est en cours de négociations.
Des nouveaux biens bientôt taxés
Selon Le Temps, la nouvelle convention innove également quant aux biens taxés. Ainsi, beaucoup de biens qui échappaient à l'impôt sur les successions avec le système actuel seront taxés dans le futur, comme "les biens meubles corporels". Ainsi, selon le fiscaliste parisien Alain Moreau, du cabinet FBT Avocats, "cela signifie par exemple que la collection de voitures anciennes, ou les tableaux situés en France d'un résident suisse seront imposés en France à son décès, jusque là, ils échappaient au fisc français".
La nouvelle Convention devrait entrer en vigueur en 2014, une fois ratifiée par les parlements respectifs des deux pays.
"Chantage et impérialisme fiscal"
"Jusqu'ici, les partis n'ont pas réagi. A l'exception des jeunes libéraux-radicaux qui dénoncent, dans un communiqué, un 'chantage' et une forme 'd'impérialisme fiscal' et exigent le rejet de la convention", écrit La Tribune de Genève.
Et le quotidien suisse de conclure : "l'arrivée de la gauche à la tête de la république en mai dernier faisaient craindre le pire aux contribuables fortunés. Ces derniers considèrent que ce projet d'accord leur donne raison."