Faut-il surtaxer le diesel ? Le gouvernement réfléchit en ce moment à un moyen de réduire la part du diesel dans le parc automobile français, le tout au nom de la santé publique. Parmi les "pistes" de Matignon : augmenter la fiscalité du gazole pour harmoniser son prix avec celui de l'essence, et ainsi modifier le comportement des consommateurs. Mais une telle mesure n'est pas sans risque. "Attaquer le diesel c'est attaquer le made in France", a ainsi prévenu Arnaud Montebroug, ministre du Redressement productif, opposé à la surtaxe. Et pour cause : le risque est grand de fragiliser les constructeurs français, en pointe sur les véhicules roulant avec le carburant controversé.
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L'équilibre du secteur perturbé. Depuis 20 ans, les constructeurs français ont axé une grande partie de leur production sur le diesel. Aujourd'hui, 60% du parc automobile roule en effet au gazole. Et plus de 70% des nouvelles immatriculations se font encore aujourd'hui sur des véhicules diesels. Rien que chez PSA, en 2011, 50 % des voitures vendues étaient équipées de moteurs Diesel, soit 1,7 million de véhicules, renseigne Les Echos. Et 100% d'entre eux étaient fabriqués en France. "Une hausse trop brutale de la fiscalité aurait des conséquences très néfastes pour les constructeurs, c'est certain. Modifier le prix du gazole, c'est toucher à tout l'équilibre du secteur", décrypte Flavien Neuvy, responsable de l'Observatoire de l'automobile Cetelem, contacté par Europe1.fr.
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Difficile à chiffrer. Au niveau national, il est difficile de dire combien des 2,3 millions d'emplois que compte la filière auto française travaillent sur des moteurs diesels. "Les conséquences sur l'emploi d'une telle surtaxe seraient difficiles à anticiper. Constructeurs, distributeurs, sous-traitants et même consommateurs… L'industrie automobile est un secteur très complexe, qui rassemble beaucoup d'acteurs", explique Flavien Neuvy. "Ce qui est sûr, c'est que les conséquences seraient significatives et toucheraient tout ce monde", poursuit-il. Contacté par Europe1.fr, le Comité national des constructeurs automobile indique qu'il réalise en ce moment même une étude pour chiffrer l'impact d'une telle surtaxe sur l'emploi, sans pouvoir encore préciser la date de publication.
Des milliers d'emplois, rien que dans la construction. Comme le décrivait Le Figaro en septembre dernier, il est possible d'évaluer l'impact d'une réduction du diesel dans les usines. Et le quotidien de citer l'exemple de PSA, où une "grande partie" des 3300 salariés du site de Tremery, en Moselle, et "une part" des 3200 ouvriers de celui de Douvrins, dans le Nord, produisent des moteurs diesel. "Côté Renault, l'usine de Cléons, largement axée sur le diesel, emploie 3500 personnes", détaillait encore le journal.
Une transition qui doit se préparer. Si le gouvernement n'hésite pas à cibler le diesel, c'est qu'il entend bien convertir le parc automobile aux véhicules hybrides et électriques. Une hausse de taxe sur le diesel couplée à une aide à l'achat de ce type de véhicules ou encore au bonus écologique déjà existant pourrait inciter les consommateurs à acheter propre. Et donc les constructeurs à adapter leurs chaines de production. Mais il s'agit de ne pas aller trop vite. "La hausse des taxes devra être très progressive, étalée sur au moins cinq ans, avant d'arriver à une égalité des prix avec l'essence. Sinon, les marques françaises n'auront pas le temps de s'adapter", prévient Flavien Neuvy. Et le spécialiste de l'automobile de conclure : "au Japon, les constructeurs ont réussi le virage de l'hybride par exemple. Mais le poids du diesel y était bien moindre. La France est une exception mondiale".