Le rachat de SFR n'était pas qu'une affaire d'homme d'affaires. Des milliers de salariés pourraient faire les frais de la victoire de Numéricâble, qui a conquis le cœur de Vivendi, propriétaire de l'opérateur téléphonique au logo rouge et blanc. Bouygues serait en effet sur le point de supprimer 1.500 à 2.000 postes, sur les 9000 salariés que compte sa filiale télécoms, selon des syndicats cités par Le Figaro. "Des équipes dédiées réfléchissent à un plan de sauvegarde de l'emploi", affirme également Le Monde.
L'annonce officielle d'éventuels suppressions de postes, si annonce il y a, devrait intervenir après le résultat des élections européennes. Mais quoi qu'il arrive, "il y a une vraie question, c'est celle du modèle économique de Bouygues Telecom". Car si l'alliance ratée avec SFR est le dernier revers essuyé par la filiale du groupe de BTP, le mal est plus profond.
Free a fait mal. Depuis deux ans, en effet, la filiale télécoms du groupe de Martin Bouygues n'y arrive plus. L'offensive de Free sur le marché de la téléphonie mobile, en 2012, a insufflé un poison chez Bouygues dont le seul antidote aurait été le rachat de SFR. En deux ans, Bouygues Télécoms s'est ainsi vidé de 200.000 abonnés, tout en étant contraint de baisser ses prix pour s'aligner avec ceux de Free.
En 2012, le groupe a même été, après 11 ans d'existence, dans le rouge pour la toute première fois, encaissant une perte de 14 millions d'euros, contre… 331 millions de bénéfice un an plus tôt, lorsque Free n'était pas encore là. En 2013, Bouygues a certes réussi à engranger des bénéfices de 11 millions d'euros. Mais c'est en partie grâce à un vaste de plan d'économies entamé en 2012, de près de 600 millions. Car le chiffre d'affaires a, lui, baissé de 11%.
Trop d'antennes, pas assez de clients. Les raisons du déclin sont également dues à la taille du réseau de Bouygues. L'opérateur semble en effet avoir eu les yeux plus gros que le ventre. Ses antennes couvrent aujourd'hui plus de 60 % de la population contre 50 % pour Orange et SFR. Mais il faut les entretenir. Et pour cela, il faut pratiquer des prix forts, ou avoir de nombreux clients. Et l'arrivée de Free a compromis les deux.
Un mariage pour se sauver ? Activités fixe et mobile cumulées, Bouygues ne comptabilisait "que" 13 millions de clients fin 2013, contre 14,5 millions pour Iliad (Free), 26 millions pour SFR et 37 millions pour Orange. On comprend mieux pourquoi Bouygues espérait tant récupérer SFR, et ses millions d'abonnés. En outre, cela aurait fait un puissant concurrent en moins, ce qui aurait apaisé la guerre des prix que se livrent les opérateurs. En acquérant SFR, Numéricable maintient au contraire la pression concurrentielle sur Orange, Free et Bouygues... à moins que ces derniers ne fusionnent ?
"Selon les observateurs, seul un mariage avec un autre acteur pourrait garantir la pérennité de Bouygues Telecom. Une fois SFR racheté, il ne reste à l'opérateur que deux options: un rachat par un géant étranger ou un mariage avec... Free. Le seul acteur disposant de moyens suffisants pour assurer la transaction", explique lundi Le Monde. Et de conclure : "un scénario qui ne rencontrerait pas d'hostilité de la part du gouvernement".
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