Les fruits et légumes moches s'arrachent. Intermarché, Auchan, Monoprix, Cora ou encore Leclerc… De nombreuses grandes surfaces multiplient les initiatives pour proposer à des prix aux rabais des produits non calibrés, mais tout à fait comestibles. Le bénéfice est double : les producteurs vendent un produit destiné à la poubelle, les consommateurs ont accès à des produits 30 à 50% moins chers. Dans chaque enseigne, l'expérience a été un succès, comme nous l'expliquions dans cet article. Pourquoi donc ne pas donc l'élargir à d'autres produits, comme la viande ou les laitages ? Nombre de commerçants y songent déjà.
Les Gueules cassées en grande surface. "Après le succès des fruits et légumes moches, dans les autres secteurs, énormément de PME, de producteurs et d'artisans nous ont contactés. Ils avaient des problèmes de formes sur leurs produits, et donc des pertes de production, mais leurs produits étaient tout à fait consommables", raconte ainsi Nicolas Chabanne, cofondateur des Gueules cassées, contacté par Europe1. Ce collectif de producteurs est à l'origine de la plupart des initiatives en la matière. Il met en relation les producteurs avec les grandes surfaces et les petits commerçants, afin d'écouler les stocks difformes.
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L'association devrait annoncer fin novembre une liste de producteurs et commerçants qui distribueront des produits étiquetés "Gueules cassées", autres que des fruits et légumes. "Au départ, ce sera avec des petits commerçants. Puis on élargira aux grandes surfaces d'ici deux à trois semaines", explique Nicolas Chabanne. Concrètement, cela se fera sous deux formes. Le consommateur pourra se servir dans des stands, au milieu des magasins, qui rassembleront tous les produits moches proposés. Mais il y aura aussi des produits dans chaque rayon, rangés à côté des produits de même famille, étiquetés "Gueules cassées".
Quels types de produits concernés ? Le potentiel de ce marché est considérable. Dans chaque secteur de l'alimentaire, les producteurs se fixent des cahiers des charges. Et si la taille ou la forme ne respectent pas la norme fixée, le produit est jeté, même s'il est mangeable. "Chaque secteur a ses règles. Dans un bœuf, tout l'arrière est souvent jeté, car il est jugé un peu plus dur, un peu moins bon. Mais il se mange quand même ! La saucisse de Morteau, si elle fait un centimètre de moins que prévu par le cahier des charges, elle est jetée. Alors qu'elle se mange ! Le confiseur, s'il voit une rayure sur son chocolat, il la jette. Idem pour les tartes, les pizzas, ou certains fromages, qui ne seraient pas parfaitement ronds. On en jette des quantités phénoménales", déplore Nicolas Cabanne.
Selon la FAO, la branche de l'ONU qui s'occupe d'alimentation, 40% de la production mondiale est jetée dans le monde. On retrouve la même proportion en France, soit 17 millions de tonnes de produits par an. En cause : de mauvais comportements, des dates de péremptions trop strictes, mais aussi des normes trop contraignantes. "En tant de crise, il faut assouplir ces règles. Les professionnels disent parfois que le consommateur veut un produit parfait. Mais ce n'est pas forcément vrai. En fin de mois, beaucoup n'auraient rien à redire à des pâtes trop claires ou une saucisse trop longue, si elles sont moitié moins chères !", assure Nicolas Chabanne.
Une initiative qui s'exporte. Et il n'y a pas qu'en France que le sujet sensibilise. Les Gueules cassées, qui se présentent comme "la première marque anti-gaspillage au monde", assure recevoir des appels de Belgique, d'Allemagne, de Suisse, d'Angleterre, du Canada, du Japon, du Brésil, de Suède, des Pays Bas, de République Tchèque, de Grèce et même des Etats-Unis. "A travers le monde, il y a des initiatives ponctuelles. Mais pas de marques. Vous allez voir, la petite étiquette 'Gueules cassées' ne va faire que monter", prédit Nicolas Chabanne.