C'est un sommet social qui se transforme en sommet de crise. Mercredi, le gouvernement convie à l’Elysée les organisations syndicales (CGT, CFDT, FO, etc.) et patronales (Medef, CGPME, etc.) pour la dernière fois du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Au menu de ces négociations, le très controversé dispositif compétitivité-emploi. Tour d'horizon de ce dispositif en France et en Allemagne.
>> De quoi s'agit-il ?
Le concept est simple : d'un côté, les salariés acceptent d'abandonner des jours de RTT ou une baisse de leur salaire. En échange, l'entreprise s'engage à maintenir les emplois le temps de traverser une période de turbulences économiques. Ce procédé fonctionne très bien en Allemagne, le gouvernement aimerait appliquer ce modèle en France.
Plusieurs entreprises françaises ont déjà testé ce dispositif. C'est le cas de l'entreprise Bosch à Vénissieux, dans le département du Rhône. En 2004, les salariés ont accepté de travailler une heure de plus par jour pour le même salaire. Huit ans plus tard, il n'y a eu aucun licenciement. Pour le délégué CFDT, Marc Soubitez, ce dispositif s'est avéré positif : "c'était un vrai accord gagnant-gagnant. Il fallait faire des efforts mais il y avait une vraie contrepartie avec un investissement important dans une fabrication neuve qui ne nous était pas destinée. A priori, cette production devait revenir à l'Europe de l'est. On a travaillé 36 heures au lieu de 35 pour le même coût".
"Il y a des catastrophes bien plus graves que celles-là" :
"Résultat, on a pu reconvertir ce site pour en faire la première usine de fabrication française de panneaux photovoltaïques. Si on n'avait pas signé cette accord, l'usine ne serait plus là aujourd'hui", ajoute ce délégué syndical.
>> Pourquoi ce dispositif est-il encore rare ?
Les résultats de ce dispositif observés chez Bosch ne sont pas aussi probants partout. Chez Poclain Hydraulics dans l'Oise, le bilan est beaucoup plus mitigé. Lorsque la crise a frappé en 2008-2009, les carnets de commandes de cette entreprise se sont vidés. La CGT accepte alors de signer un accord qui prévoit une baisse du taux horaire de travail (de 35 heures à 30 heures) mais aussi une baisse des salaires. Depuis, l'entreprise a largement renoué avec les bénéfices. Et pourtant, cela ne profite pas forcément aux salariés.
"Avec cet accord, on a perdu 20% sur un salaire. Pour une famille, je peux vous dire que c'est difficile à la fin du mois. Maintenant, la société va très bien. Quand il y a de l'intéressement, c'est très mal proportionné. Ça va beaucoup plus aux actionnaires qu'au personnel qui travaille. On aurait aimé que l'entreprise soit plus reconnaissante", déplore le délégué CGT, Jean-Jacques Béreaux. Poclain Hydraulics n'est pas le seul exemple. Au sein de Continental, les salariés avaient accepté de travailler 40 heures par semaine, pour finalement se retrouver au chômage lorsque l'usine a fermé.
>> Quelle est la position des syndicats ?
Pour les syndicats, il y a, en France, un vrai problème de confiance avec le patronat. De son côté, la CFDT n'est pas complètement fermée à l'idée mais ce dispositif n'est viable uniquement que si les syndicats sont associés aux décisions de l'entreprise.
Globalement, les syndicats sont contre un passage en force du gouvernement sur cette question à seulement trois mois de l'élection présidentielle. Si un tel dispositif doit se généraliser en France, ils veulent prendre le temps d'y réfléchir.
>> Et chez nos voisins ?
Outre-Rhin, le dialogue social fait partie du modèle allemand. Patrons et syndicats déterminent ensemble la stratégie et l'avenir de l'entreprise pour les dix prochaines années. Par exemple, chez Daimler pour répondre au "boom" des commandes des voitures depuis un an, les salariés travaillent six jours sur sept. "Nous avons été flexibles quand il a fallu faire du chômage partiel. Nous avons pris des jours. Nous sommes donc flexibles quand l'entreprise va bien. C'est un effort auquel nous pouvons consentir", explique cet employé allemand.
Les salariés ont donc accepté de travailler plus sans gagner plus. En échange, les patrons allemands n'ont pas licencié et ce, même pendant la crise. Ils ont clairement voulu conserver cette main d'œuvre très qualifiée.
En revanche, ce pacte social fonctionne très mal dans les services :
En Allemagne, seulement un salarié sur deux est en CDI.