L’INFO. Qui dit mieux ? Jeudi, Bouygues a annoncé une nouvelle offre de reprise pour SFR alors même que Vivendi, l’actionnaire principal de l’opérateur téléphonique en vente, a choisi depuis une semaine de négocier exclusivement avec le concurrent Numéricable. La proposition de l’entreprise dirigée par Martin Bouygues dépasse désormais de 1,4 milliard d’euros celle de la firme de Patrick Drahi sur le volet financier. Inédite en la matière, la manoeuvre de Bouygues, soutenue par le gouvernement, Free et d’autres actionnaires privés, vient faire pression sur Vivendi. Elle pose surtout la question de savoir si le vendeur peut se permettre de tourner le dos à autant d’insistance.
Une offre plus intéressante. D’un point de vue purement financier, ce que propose Bouygues est désormais bien plus intéressant que l’offre de Numéricable acceptée vendredi dernier par Vivendi. Lorsque le propriétaire de SFR avait repoussé la dernière offre de l’entreprise de médias, de BTP et de télécoms, il avait néanmoins confirmé le caractère pertinent de l’offre, “mais avait considéré sa part en numéraire insuffisante”. Concrètement, Bouygues ne proposait pas assez d’argent. La phrase n’était pas tombée dans l’oreille d’un sourd, ce qui explique la surenchère de l’entreprise jeudi.
On sait également que, malgré le vote à l’unanimité du conseil de surveillance de Vivendi en faveur de Numéricable, l’instance dirigeante du vendeur était très partagée concernant l’acheteur à privilégier. Bouygues compte donc mettre un peu plus la pression sur les dirigeants de l’actuel propriétaire de SFR.
Un cas d’école en matière juridique. Inédite en la matière, l’offre soudaine de Bouygues, pose donc un problème au conseil de surveillance de Vivendi. D’un côté, si les propriétaires de SFR quittent la table des négociations après avoir promis à Numéricable de lui vendre l’entreprise, ils prendraient le risque d’être poursuivis. “Juridiquement parlant, Vivendi n’a pas le droit de discuter avec d’autres parties pendant la période de négociations exclusives avec Altice-Numéricable, il risquerait un recours en illégalité s’il le fait, avec de lourdes pénalités à la clé”, affirme un spécialiste du secteur.
D’un autre côté, tourner le dos à une offre plus intéressante pour les actionnaires pourrait coûter cher aux membres du conseil de surveillance de Vivendi. En effet, en matière de vente, c’est l’intérêt des actionnaires qui doit primer. Si Bouygues propose plus d’argent que Numéricable, il doit être privilégié. Les propriétaires des parts de Vivendi pourraient donc se retourner contre leur entreprise si leur intérêt n’est pas privilégié.
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L’issue possible. La solution pourrait être d’attendre le 4 avril, date de la fin des négociations exclusives avec Numéricable, pour finalement accepter l’offre de Bouygues. Cela dit, “l’exclusivité constitue un engagement à négocier de bonne foi”, explique un avocat au Figaro. Autrement dit, jouer la montre n’est pas une façon de négocier. La manoeuvre semble donc, là aussi, risquée d’un point de vue juridique.
Résister au politique. Du côté de Vivendi, il faut aussi compter sur la pression que l’Etat applique depuis le début sur ce dossier. Le gouvernement, par la voix du ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, n’a jamais caché son soutien à l’offre de Bouygues.
Il a à nouveau joué un rôle prépondérant dans les négociations en permettant à la Caisse des Dépôts et des Consignations (CDC), le bras financier de l’Etat, de participer au nouveau montage financier de l’offre de l’entreprise de Martin Bouygues.
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Cette nouvelle estocade caractérise la volonté politique forte du gouvernement de voir le secteur de la téléphonie revenir à trois acteurs afin de consolider le marché. Il représente également le refus de la part d’Arnaud Montebourg de voir une entreprise française revenir dans les mains d’un Français résident fiscal suisse.
Interrogé sur Europe 1 le jour de l’annonce de la sélection de Numéricable comme partenaire exclusif de négociation, le ministre du Redressement productif avait d’ailleurs intimé au propriétaire de Numéricable, Patrick Drahi, de rapatrier ses avoirs en France. Une ligne politique soutenue mercredi par la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, qui a jugé qu’il n’était pas “neutre” qu’une entreprise comme SFR “soit susceptible de devenir suisse”.
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