La bible était-elle autant attendue? Patrons, syndicats, gouvernement, droite, gauche, médias… Tout le monde a les yeux rivés sur le rapport Louis Gallois depuis des mois. Même l'Allemagne le scrute avec attention. Ça y est, le document a été publié lundi. Et le gouvernement annoncera mardi ce qu'il en retiendra.
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Mesure phare du rapport de l'industriel : une baisse des charges de 30 milliards d'euros, dont 20 de charges patronales et 10 milliards de charges salariales. "Un choc de compétitivité qui est en fait un choc de confiance", a commenté lundi Louis Gallois. Une hausse de la CSG financera ce "choc", aux deux tiers, selon l'industriel. Le reste devra être réparti entre hausse de la TVA, fiscalité anti-pollution (taxe carbone), des transactions financières, de l'immobilier et les niches fiscales.
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Mais d'après certaines sources, cette proposition a déjà pris le chemin des oubliettes. Il faut dire que le "choc" ne rassemble pas beaucoup de francs soutiens parmi les ministres. Pour un aperçu de la teneur des débats qui auront lieu durant le séminaire de mardi, Europe1.fr vous résume les positions de chacun.
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DES CHEFS INDÉCIS
"Je déconseille l'idée du choc, qui traduit davantage un effet d'annonce qu'un effet thérapeutique", avait prévenu François Hollande, le 26 octobre. Avant d'accéder au pouvoir, le candidat socialiste avait été salué comme l'un des premiers au PS à user du mot "compétitivité" dans ses discours. Mais il défendait alors une compétitivité "hors coût" : améliorer la qualité des produits, aider les entreprises à trouver du crédit, favoriser l'innovation, etc. Par ailleurs, durant la campagne, le candidat socialiste a longuement critiqué le programme de Nicolas Sarkozy et sa TVA sociale. Il qualifié "d'injuste" le principe d'augmenter cet impôt pour réduire les charges des entreprises.
En revanche, en coulisse, François Hollande s'est toujours montré ouvert à discuter d'une hausse de la CSG. Mais il s'est toujours gardé de le montrer. "S'il y aura bien un basculement d'une partie des charges vers la fiscalité, il se fera dans le temps pour ne pas affecter la demande intérieure", avait-il simplement déclaré le 26 octobre dernier.
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De son côté, Jean-Marc Ayrault s'est lui aussi montré indécis jusqu'à présent. "Dans le choc, il peut y avoir un choc récessif. D'un côté, le Premier ministre répète à l'envie qu'aucun des deux impôts n'augmenta en 2013. "Si c'est pour faire un transfert dont l'impact sera plutôt récessif, ce n'est pas ce qu'on cherche", argumente Matignon. Mais dans une interview au Point du 20 septembre, il confirmait également que toutes les pistes étaient à l'étude.
BERCY PLUTÔT HOSTILE
Dans la maison mère de l'économie d’État, les divers ministres ne semblent pas emballés par le "choc." Le ministre de l'Economie et des Finances, Pierre Moscovici, est historiquement ouvert sur la question. Mais pas dans un contexte de crise et d'austérité. "Un choc ça traumatise, avançait-il fin octobre. L'Etat ne pouvait pas faire plus, après l'effort historique pour réduire les déficits publics. Puis augmenter la TVA ou la CSG risque de plomber le pouvoir d'achat des Français".
Le ministre du Travail, Michel Sapin, refuse également un tel bouleversement dans le contexte actuel. Étant donné les "efforts considérables" demandés aux Français, pas question d'ajouter des "chocs aux chocs", a-t-il récemment insisté. Même son de cloche du côté de la ministre déléguée aux PME, Fleur Pellerin.
Crise ou pas crise, le ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, est également l'un des plus fervents opposants au choc de compétitivité. "Le patronat n'a pas à nous déclarer la guerre" arguait-il fin octobre, estimant qu'une telle entorse à la consommation plomberait la croissance. Benoît Hamon, ministre de l’Économie sociale et solidaire, fustige aussi "un choc qui serait un choc de pouvoir d'achat immédiat" pour les Français.
Arnaud Montebourg, pourtant à la gauche du gouvernement, est peut-être le ministre le plus "Gallois compatible". Mais il prône un "choc" plus léger. Et ne cite pas la TVA et la CSG comme pistes compensatoires. Dans un "memorandum" dont Les Echos ont publié des extraits vendredi, le ministre du Redressement productif suggère de réduire les charges sociales patronales de 20 milliards d’euros pour les entreprises qui investissent dans de "nouveaux produits ou processus". En compensation, il prône la "mise à contribution des secteurs protégés de l'économie" comme "la restauration, le secteur bancaire et l'immobilier", la baisse des dotations aux collectivités locales ou encore la création d'une "taxe carbone aux frontières."
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LES AUTRES PAS DAVANTAGE ACCUEILLANTS
Parmi les autres ministres, le "choc" n'est pas à la fête. "Il serait insupportable pour les Français dans le contexte actuel", avait lancé Marisol Touraine, la ministre du Travail, le 21 octobre sur BFM-TV. La ministre de la Santé propose, en revanche, de faire en sorte que les cotisations sociales payées par les patrons "n'augmentent pas davantage", ce qui passerait en premier lieu "par des économies de structure". "Pour le reste, je pense que nous pouvons travailler sur un paquet de mesures fiscales, par exemple les taxes environnementales", avait-elle ajouté.
Cécile Duflot et Pascal Canfin, les ministres Europe-Écologie-Les Verts (EELV) du gouvernement, se sont peu exprimés sur la question. Toutefois, leur parti semble peu emballé par les propositions de Louis Gallois. "Voici vingt ans que les politiques d’amélioration de la compétitivité portent sur la diminution du coût du travail, comme saint Graal de toute politique de relance. Et nous, écologistes, regardons ceci avec une certaine circonspection", a écris le 8 octobre, Sandrine Rousseau, en charge du programme du parti, tout en notant qu'une hausse de la CSG serait "moins inégalitaire" qu'une hausse de la TVA. Pascal Canfin, ancien porte parole du parti, avait brièvement défendu la même chose durant la présidentielle, prônant une "CSG progressive".
Reste Manuel Valls. Le ministre de l'Intérieur avait défendu l'idée d'une TVA sociale pendant la primaire socialiste. Selon lui à l'époque, l'idée d'augmenter la TVA en contrepartie d'une baisse des charges pouvaient booster les entreprises et donc les salaires et les embauches. Il défendait ainsi "une mesure de gauche", avant de se faire tout petit sur le sujet une fois entré dans l'équipe de campagne de François Hollande. Mais le ministre n'était pas particulièrement favorable à une hausse de la CSG, impôt trop large qui peut impacter le pouvoir d'achat et l'investissement. Il n'est donc pas, lui non plus, "Gallois compatible."
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