Revenu fin 2012 dans l'Hexagone après 15 ans d'absence, Burger King s’était fixé des objectifs ambitieux : conquérir 20% du marché du fast food en dix ans, sans que l’on sache comment il comptait y arriver. C’est désormais chose faite depuis que le spécialiste du Whooper a été autorisé jeudi à racheter Quick. Mais quelle sera la force de frappe du futur Burger King ? Et surtout, arrivera-t-il à rivaliser avec Mc Donald’s ? Rien n’est moins sûr à court et moyen terme.
Burger King va bien croquer Quick. Après avoir pendant deux ans refusé d’indiquer comment il comptait réussir son retour en France, Bertrand – actionnaire majoritaire de Burger King France, a abattu une carte décisive fin septembre en annonçant son intention de racheter Quick. Une opération validée jeudi par l'Autorité de la concurrence : "L'opération n'entraîne pas d'atteinte à la concurrence sur le territoire national, à l'exception de la zone d'Ajaccio en Corse", a indiqué cette dernière. Résultat, Burger King devrait rapidement devenir incontournable, alors qu’il partait de loin comme le montre cette infographie :
A quoi va ressembler Burger King 2.0 ? Après avoir absorbé Quick, le nouveau Burger King devrait devenir le numéro deux de la restauration rapide en France. Sur le papier, il devrait pouvoir compter sur presque 450 restaurants et frôler le milliard d’euros de chiffre d’affaires. Les fétichistes des burgers au goût de barbecue et les déçus de Mc Donald’s peuvent espérer en trouver un dans la plupart des villes moyennes et grandes villes.
Pour autant, tout ne sera pas si simple, prévient Bernard Boutboul, directeur général de Gira Conseil, cabinet spécialisé dans la restauration. "Que vient de racheter le groupe Bertrand ? La marque Quick, mais en aucun cas il ne rachète les 80% de magasins franchisés. Ils n’en ont pas les moyens. C’est un rêve de croire que Bertrand va disposer de 400 Burger King rapidement", prévient-il au micro d’Europe 1. "Il faut entre 350.000 et 500.000 euros pour transformer un Quick en Burger King. Les 330 Quick franchisés n’ont pas forcément les moyens, d’où la question suivante : qui va mettre les 130 millions d’euros nécessaires sur la table ? Et quand on le saura, à quel rythme cette transformation se fera-t-elle ? Cela va prendre des années, c’est compliqué", poursuit Bernard Boutboul.
Mc Donald’s a encore une longueur d’avance. Pour ce spécialiste de la restauration, Burger King n’est donc pas prêt de faire de l’ombre au leader secteur en France. "Du côté de Mc Donald’s, on n’est absolument pas inquiet. D’ailleurs, quand Burger King est revenu, le numéro 1 de Mc Donald’s France lui a ironiquement souhaité la bienvenue", rappelle Bernard Boutboul.
"L’écart est irrattrapable. Le seul moyen de coller à Mc Donald’s, si l’on peut dire, c’est de racheter Quick et c’est ce qui a été fait. Sauf que cela va prendre du temps et nécessiter des moyens", ajoute-t-il, avant de poursuivre : "La vrai menace pour Mc Donald’s, c'est le premium, ce sont les nouveaux concurrents positionnés sur le haut-de-gamme tels que la chaîne Big Fernand. C’est d’ailleurs pour cela que l’entreprise ne cesse de monter en gamme depuis une dizaine d’années".
Un whopper, du bluff et des doutes sur la stratégie. Bien qu’en plein essor, Burger King aurait donc du pain sur la planche. Et pour Gira Conseils, la dynamique sur laquelle la chaîne surfe est même un peu exagérée : "il dit qu’il fait 100 millions d’euros de chiffre d’affaires avec 21 points de vente. Ce sont des chiffres qui ne vont pas, cela ressemble à du bluff. Quand le groupe a annoncé que le restaurant de Saint-Lazare était le premier fast-food au monde en fréquentation, c’est faux : il l’a peut-être été, mais pendant un mois ou deux quand il y a eu un buzz. Le restaurant le plus fréquenté reste le Mc Donald’s des Champs Elysées". (Des chiffres qu’il est d’ailleurs impossible de vérifier, Burger King ne publiant aucune donnée précise et n’ayant pas répondu aux questions d’Europe 1.)
D’ailleurs, Bernard Boutboul le reconnaît, il a lui-même du mal à cerner la stratégie de la chaîne de restauration rapide : "Quand Burger King est parti de France en 1997, ils avaient 45 points de vente et Quick en avait 220. Ils ont justifié leur départ par le fait qu’il n’y avait pas de place pour trois marques. Que vient-il faire en France alors que la concurrence s’est renforcé depuis ? Dans un pays où le burger monte en gamme et devient premium, jouer la carte du fast-food est risqué. Je ne comprends pas vraiment".