Perdant de l’argent depuis 2008, Air France est au pied du mur : la compagnie aérienne doit se réinventer pour ne pas disparaitre. Elle planche donc sur de nombreuses pistes, et la dernière à l’étude est des plus symboliques : lancer des vols long-courriers low cost. Une hypothèse qui permettrait de répondre à la concurrence mais aussi (et surtout ?) de mettre la pression sur des pilotes récalcitrants aux réformes en cours.
Bientôt des vols long-courriers à bas prix ? Il ne s’agit que d’une "hypothèse, un sujet de réflexion", tient à préciser le quotidien Les Echos, qui révèle l’information. Toujours est-il que cette piste constituerait une véritable révolution : "selon plusieurs sources internes, Air France envisagerait la création d’une entité low cost long-courriers, avec des pilotes et des personnels de cabine dotés d’un statut différent de celui de la maison-mère", précise le journal.
Les long-courriers rattrapés par le low cost. Jusqu’à présent, l’offre des compagnies aérienne était claire : l’offre low cost était concentrée sur les vols courts tandis que le long courrier, le plus rentable, était réservé aux grandes compagnies. Mais cet équilibre est en train de changer : la compagnie Norwegian propose depuis un an des vols à prix cassés entre Londres et New York et Air Caraïbes s’apprête à faire de même dès 2016.
Mais cette offre aujourd’hui confidentielle pourrait rapidement prendre une toute autre dimension : un poids lourd du secteur, Lufthansa, s’apprête à lancer en 2016 une nouvelle compagnie spécialisée dans les long-courriers à bas prix et baptisée Eurowings. Avec sa force de frappe, la compagnie allemande pourrait bien redistribuer les cartes et s’accaparer une bonne partie de ce nouveau marché.
Un vrai projet ou un coup tactique ? Sur le papier, la création d’une compagnie low cost pour les long-courriers présente plusieurs avantages : gérer les sureffectifs de pilotes et éviter de fermer des liaisons aujourd’hui déficitaires en les remplaçant par une nouvelle offre moins chères.
Cependant, un tel projet présente aussi des risques non négligeables. Dans son principe même, créer une nouvelle compagnie remettrait en cause un modus vivandi qu’il a fallu faire accepter dans le groupe Air France : les vols court et moyen-courriers reviennent au low cost Transavia, tandis que le long-courrier est réservé à la compagnie historique. Un nouvel équilibre ne serait pas facile à faire accepter en interne, d’autant qu’une telle stratégie pourrait conduire les nouvelles lignes low cost à phagocyter les lignes classiques.
Mais un tel projet pourrait avoir un autre objectif, plus stratégique : relancer le bras de fer avec les pilotes pour les amener à enfin accepter des concessions que d’autres corps de métier ont déjà faites. Air France multiplie en effet les plans de compétitivité mais se heurte à chaque fois à l’opposition des pilotes. Et même lorsqu’ils acceptent de tels plans, ils ne les appliquent pas entièrement, comme ce fut le cas avec le plan Transform 2015 : tous les corps de métier ont rempli leurs objectifs à l’exception des pilotes, alors qu’un nouveau plan – baptisé Perform 2020 - est déjà en cours de discussion. Dans cette optique, l’hypothèse d’une compagnie low cost ressemble à un coup de pression adressé aux syndicats de pilotes : s’ils n’acceptent pas des concessions, la direction se concentrera sur la création d’une nouvelle compagnie low cost, quitte à affaiblir un peu plus Air France et ses pilotes. Les prochaines discussions sur le plan Transform doivent avoir lieu vendredi dans le cadre d'un comité central d'entreprise.
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Long-courrier low-cost : la nouvelle...par Europe1fr