Syndicats et direction d'Air France doivent se retrouver jeudi 22 octobre pour relancer les négociations sur le plan de réorganisation baptisé Perform 2020. Mais alors que le climat semblait s'apaiser après la tonitruante "affaire de la chemise", les derniers épisodes de ce qui est devenu un véritable feuilleton ne laissent rien augurer de bon. Au lieu de permettre un rapprochement des points de vue, les trois derniers en date risquent de compliquer la donne.
Un PDG qui reste droit dans ses bottes. C’est un fait, Air France va mal : la compagnie aérienne perd de l’argent depuis 2008. "L'immobilisme n'est pas possible, c'est le déclin assuré", a résumé le PDG du groupe Alexandre de Juniac, vendredi dans Le Monde. Mais dans une entreprise où les plans de rigueur s’accumulent et entament le moral des troupes, le dialogue social doit être mené avec précaution. Ce qu’a d’ailleurs rappelé François Hollande : appelant les partenaires sociaux à "la responsabilité", le président de la République a déploré mercredi "la brutalité", "pas simplement la brutalité dans les mouvements" mais "aussi la brutalité d'un certain nombre de décisions qui peuvent être celles des patrons".
Sans aller jusqu’à faire amende honorable, on pouvait s’attendre à ce que la direction fasse profil bas. Au lieu de cela, Alexandre de Juniac a estimé que cette sortie présidentielle ne le concernait tout simplement pas. "Je n’ai pas à me prononcer ce que dit le président de la République. Je lis les propos tels qu’ils sont exprimés et je n’y ai pas vu de mention ou de référence explicite à Air France", a-t-il déclaré dans les colonnes du Monde. Ce qui ne devrait pas aider à fluidifier le dialogue social.
L’étrange gestion en interne de "l’affaire de la chemise". L’agression qui a visé deux cadres de la direction lors du précédent comité d’entreprise a marqué les esprits et écorné l’image des salariés du groupe. La direction aurait pu se contenter de profiter de cet épisode pour marquer des points dans la bataille de communication qui l’oppose aux syndicats. Au lieu de cela, elle a enchaîné les maladresses.
Selon les informations d’Europe 1, un cadre au sein de la division fret a déclaré jeudi que les cinq salariés soupçonnés d’être les auteurs de l’agression étaient promis au licenciement. Alors même que la justice n’a pas encore tranché, ce qui a conduit les salariés de cette branche à tenir une assemblée générale vendredi. Et pour ne rien arranger, la direction a commis une bourde pour le moins malheureuse dans le contexte actuel. Elle a envoyé une lettre de notification de mise à pied à titre conservatoire, faisant craindre un licenciement dans le contexte actuel, à… un salarié qui n’a rien à se reprocher. La direction s’est depuis excusée auprès de l'intéressé mais cette erreur n’aide pas à apaiser le climat social.
Une facture qui s’alourdit pour les pilotes. Les pilotes de ligne étant les moins enclins à négocier le nouveau plan de productivité, la direction a décidé de hausser le ton : elle a poursuivi en justice le principal syndicat de pilote, le SNPL, accusé de ne pas avoir atteint les objectifs qu’il avait pourtant acceptés lors du précédent plan (Transform 2015). Alors que le personnel au sol et le personnel navigant a respecté son engagement de réaliser 20% de gain de productivité, voire même plus, les pilotes sont accusés de s’être arrêtés à 13%. Ce qu’a confirmé le tribunal de Bobigny vendredi, enjoignant les pilotes à respecter leur part du contrat.
Une décision qui risque de braquer un peu plus les syndicats de pilote, même s’ils portent une large part de responsabilité : ces derniers vont devoir rattraper ce qu’ils n’ont pas fait par le passé alors qu’ils trouvent déjà excessif le nouvel objectif fixé par la direction, 17% de gain de productivité, et proposent à la place de ne faire que 10%. Pointés du doigt par les pilotes, les médias et une partie des autres corporations au sein d’Air France, sommés de se serrer un peu plus la ceinture alors qu’ils sont les moins enclins à l’accepter : les pilotes risquent d’être plus que tendus lors du prochain comité d’entreprise.
Alors que vendredi dernier l’heure était à la réconciliation, syndicats de pilotes et direction arrivant enfin à renouer le dialogue, les deux derniers jours font craindre un regain de tension. Le comité d’entreprise du 22 octobre s’annonce compliqué. Et pendant ce temps-là, Air France perd du temps.