Confronté à une économie collaborative qui bouleverse les règles et les usages, l'Etat tente de mettre de l'ordre. Les députés ont ainsi adopté jeudi soir un article obligeant les particuliers qui gagnent de l'argent en louant leurs biens sur des plateformes collaboratives à payer des cotisations au-delà d'un certain montant. Les principaux concernés s'indignent, les acteurs de l'économie traditionnelle applaudissent.
Considérer les gros loueurs comme des professionnels. Dans le cadre des discussions sur le projet de budget de la Sécurité sociale pour 2017, le gouvernement a demandé aux députés de se pencher sur une proposition d'encadrement de l'économie collaborative. Son principe est simple : obliger les particuliers qui gagnent beaucoup d'argent à payer des cotisations sociales, ces derniers étant accusés de concurrence déloyale par les professionnels. Après avoir rejeté la mesure mercredi, l'Assemblée nationale a finalement adopté une nouvelle version du texte jeudi.
Quels sont les seuils à partir desquels les cotisations sont obligatoires ? Conscient que l'économie collaborative permet d'optimiser l'usage de certains biens et d'arrondir les fins de mois de nombreux Français, il a été décidé de rendre les cotisations sociales obligatoires uniquement à partir d'un certain montant de revenus. Tout le monde n'est donc pas concerné, seules les personnes ayant une activité presque aussi importante qu'un professionnels étant concernées.
Dans le détail, le texte prévoit deux seuils différents. Pour les biens immobilier loués via des plateformes telles qu'Airbnb ou Abritel, un particulier sera considéré comme un quasi professionnel à partir de 23.000 euros de revenus par an. Il devra alors s'affilier au Régime social des indépendants (RSI) et verser des cotisations sociales. Le gouvernement estime que cette mesure ne touchera qu'une infime partie des loueurs puisqu'il estime qu'il faut louer plusieurs logements en même temps pour pouvoir arriver à 23.000 euros de revenus par an. D'après ses estimations, environ 10.000 particuliers seraient concernés. Pour la location de biens plus modestes (véhicule, outil de bricolage, matériel hifi, tondeuse, etc.), le texte prévoit que les cotisations seront obligatoires au-delà de 7.220 euros de revenus.
Quelques exceptions. Si le gouvernement souhaite aligner le statut des loueurs quasi professionnels sur celui des vrais professionnels de l'économie classique, il a néanmoins prévu une exception : l'argent touché via une plateforme pour partager les frais, et non gagner de l'argent, n'est pas considéré comme un revenu. Ainsi, les utilisateurs de Blablacar ne sont pas concernés puisqu'ils ne transportent pas d'autres personnes pour gagner leur vie mais pour réduire le coût du trajet.
Dans un communiqué, le fondateur de Drivy, Paulin Dementhon, s'est déclaré "déçu" de ne pas être rangé dans cette dernière catégorie. Il faut distinguer "les activités qui relèvent du partage de frais de celles dont les gains sont supérieurs au coût d'usage, qui génèrent des bénéfices. Une fois que cette clarification aura été faite, alors le débat sur l'encadrement au delà du partage de frais pourra être possible", a-t-il réagi auprès de l'AFP.
Une réforme contestée de toutes parts. Bien que cette réforme ait été adoptée, elle ne fait pas l'unanimité parmi les députés. Plusieurs élus de droite ont ainsi dénoncé un texte qui risque de freiner un secteur en plein essor et est devenue pour beaucoup un complément de revenus. Ces derniers risquent alors de ne pas déclarer cette activité. Un constat également partagé par certains députés de gauche mais aussi des écologistes. Le député Europe Ecologie Les Verts Jean-Louis Roumegas a ainsi déclaré à l'AFP : "on rate l'essentiel de l'économie collaborative. Cela permet de conserver son petit appartement, de payer ses charges, d'aller en vacances dans des petites villes où il n'y a pas d'offre touristique. On va tuer tout cela pour des lobbys professionnels".
Conscient de ces limites, le secrétaire d'Etat au Budget a promis des améliorations. "Le gouvernement s'est engagé au Sénat et en deuxième lecture à enrichir le texte", notamment concernant les règles pour les gîtes ruraux et les chambres d'hôtes, a-t-il précisé.
Des revenus qu'il faut dans tous les cas déclarer aux impôts. Outre la question des cotisations sociales, un rappel s'impose : lorsqu'il s'agit de location permettant de gagner de l'argent, et non de partager des frais, les sommes ainsi gagnées doivent être déclarées aux services fiscaux dès le premier euro. , comme le ra. Le gouvernement prépare un autre texte pour clarifier la situation.