Apprentissage : que faut-il changer ?

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3 QUESTIONS A - Les réformes passent, l'apprentissage continue de baisser en France. Comment y remédier ? Nous avons posé la question à un économiste. 

Le gouvernement accélère sur l'épineux dossier de l'apprentissage. Mardi, le Premier ministre Manuel Valls recevra les partenaires sociaux et les présidents de région afin de préparer la rentrée de septembre sur le plan de l'apprentissage et de la formation des demandeurs d'emploi. L'objectif : remédier à la chute de l'apprentissage, dont les nouveaux contrats ont baissé de 3% en 2014, après une chute de 8% l'année précédente, selon les données provisoires du ministère du Travail. Malgré un nouvel arsenal d'aides, dont l'exonération de charges pour les entreprises embauchant des apprentis mineurs, le gouvernement peine à inverser cette tendance baissière. Mais alors pourquoi l'apprentissage, érigé en priorité par François Hollande, ne parvient-il pas à décoller ? Nous avons posé la question à Bertrand Martinot, économiste, ancien délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle entre 2008 et 2012 et auteur de l'étude "L'apprentissage, un vaccin contre le chômage des jeunes", publiée par l'Institut Montaigne et l'ASMEP-ETI. 

L'Etat et les régions dépensent chaque année 4,7 milliards d'euros au niveau national pour l'apprentissage (chiffres de 2012, selon la Dares, ndlr). Pourquoi cela coûte-t-il si cher ?

Il y a deux raisons principales. La première, c'est que la France subventionne énormément les embauches en apprentissage, avec l'exonération totale des charges salariales et patronales pour les entreprises qui embauchent des apprentis. Ces dépenses-là sont les plus coûteuses pour les finances de l'Etat.
L'autre raison, c'est le volume d'enseignement et la formation des apprentis en CFA (centre de formation d'apprentis) qui coûtent très cher. Pourtant, les postes d'enseignants en CFA ou en lycées professionnels sont dévalorisés. Il faudrait revaloriser leurs rémunérations, et reparler du temps du travail. Une réforme est souhaitable, mais il n'est pas certain que les syndicats d'enseignants la souhaitent.

Quelles sont les trois pistes prioritaires à développer pour faire décoller l'apprentissage ?

Il faudrait d'abord faire de l'apprentissage le mode d'accès de droit commun aux métiers de niveau bac et infra-bac. Ainsi, on ferait passer les formations des lycées professionnels vers les CFA. Les formations en lycées professionnels coûtent environ 3.000 euros plus cher par élève alors que les débouchés sont bien moindres qu'en CFA.
Je propose aussi de repenser la place de l'enseignement général dans les diplômes. Les élèves passent la moitié du temps en CFA sur des enseignements généraux, comme le français ou l'histoire, souvent déconnectés des réalités des métiers. En Allemagne, les enseignements sont systématiquement reliés au métier préparé.
Une réforme institutionnelle est également indispensable. L'apprentissage est un des exemples du mille-feuille administratif français, avec un trop grand nombre d'acteurs impliqués dans le dispositif (le ministère du Travail, l'Education nationale, les régions, les chambres de commerce et les entreprises prennent part au dispositif, ndlr). Il faudrait un pilote unique au niveau national, qui serait le ministère de l'Education nationale, et un pilote unique au niveau régional, qui seraient les Régions. Le tout avec une implication beaucoup plus grande des partenaires sociaux aux deux niveaux.

Y'a-t-il des points positifs sur lesquels la France peut s'appuyer pour l'avenir ?

Oui, il y a deux points positifs dans le système français d'apprentissage. Tout d'abord, l'existence d'une taxe d'apprentissage permet de mutualiser les efforts. C'est un mécanisme vertueux puisque les entreprises qui ne prennent pas d’apprentis payent pour celles qui en embauchent.
Par ailleurs, l'apprentissage dans l'enseignement supérieur se développe très vite. C'est un point positif, alors que le dispositif était très peu présent il y a quelques années. La mauvaise nouvelle, cependant, c'est que l'apprentissage baisse dans le secondaire, après la troisième. Il ne faudrait pas que l'apprentissage dans l'enseignement supérieur cannibalise tout le reste.