Face aux ravages de l’obsolescence programmée, certaines entreprises revoient leur modèle et misent sur l’écoconception et le long terme. C’est notamment le cas du spécialiste de l’électroménager SEB, qui a annoncé mardi que la plupart de ses produits sont désormais réparables pendant dix ans. Et ce n’est pas anodin lorsqu’on sait que SEB est tout simplement le leader mondial du petit électroménager.
La "réparabilité" érigée en valeur cardinale. "Réparer plutôt que jeter : tel est le leitmotiv qui guide la politique de réparabilité très innovante du Groupe SEB", martèle le communiqué du groupe. Concrètement, l’entreprise a conçu ses appareils pour qu’ils soient plus facilement réparables et s’engage à proposer des pièces détachées pour la plupart de ses appareils pendant les dix années suivant leur commercialisation. À partir de début 2017, le groupe proposera en France des forfaits de réparation en fonction des produits, qui ne devront pas dépasser un tiers du prix d'achat des appareils neufs pour être attractifs.
Quelles sont les marques concernées ? Après avoir expérimenté ce système sur ses marques SEB et Rowenta, le groupe a annoncé "l’extension de sa politique de réparabilité à l’ensemble de ses marques et dans tous les pays* : SEB, Rowenta, Moulinex, Calor, Krups ou encore Tefal (pour l’électroménager et les autocuiseurs)". Résultat, 97% des appareils de ces marques sont désormais réparables, selon une estimation de l’entreprise. Tous ces produits seront désormais affublés d’un autocollant "Produit réparable 10 ans".
De quoi valoriser l’image de la marque mais aussi attirer le consommateur : dans une étude publiée en mars, le Comité économique et social européen montrait "un lien manifeste entre l'affichage de la durée de vie des produits et le comportement des consommateurs. Ce phénomène est très net. La progression des ventes de produits labellisés durables est spectaculaire". En luttant contre le gaspillage, Seb pense donc à l’environnement mais également à ses ventes.
Les appareils irréparables, un problème de plus en plus fréquent. Cette stratégie représente un virage très symbolique dans un secteur où la réparabilité d’un appareil est devenue l’exception. Soit parce que l’appareil en question n’a pas été conçu pour être démontable et/ou réparable, soit parce qu’une telle opération coûte plus cher que l’achat d’un nouvel appareil.
Dans une étude publiée en avril 2014, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) montrait que "le prix de la réparation des appareils ménagers a augmenté de 123 %" en deux décennies alors que, dans le même temps "le prix moyen des gros appareils ménagers a baissé de 34 % et celui des petits appareils électroménagers de 15 %". Le consommateur est donc incité à changer d’appareil plutôt que de le réparer, un réflexe du tout jetable qui fait deux victimes : l’environnement et les ménages les plus pauvres, qui ont tendance à choisir les produits les moins chers et non les plus durables, quitte à devoir les racheter plus souvent qu’un foyer plus aisé.
Un virage industriel et pas seulement marketing. En ces temps de "greenwashing", qui consiste à mettre en avant un engagement écologique qui n’est que de façade, nombreuses sont les entreprises à revendiquer leur action en faveur de l’environnement. Mais dans le cas de SEB, "on n’est pas dans du greenwashing : il y a toute une infrastructure à mettre en place, avec un coût, etc. Et ce n’est pas une démarche purement commerciale, SEB le fait car c’est plus rentable", assure Erwann Fangeat, ingénieur à l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).
L’entreprise a d’ailleurs travaillé avec l’agence pour préparer ce qui ressemble à une véritable stratégie industrielle. Outre le fait de concevoir des produits facilement démontables et réparables, le groupe a dès 2008 transformé son ancienne usine de Faucogney-et-la-Mer, en Franche-Comté, pour en faire un pôle spécialisé dans la réparation. Le groupe y conserve près de 5,7 millions de pièces de rechange de 40.000 références produits.
Mais SEB prépare également l’avenir puisque l’entreprise travaille sur les imprimantes 3D, solution idéale pour reproduire des pièces industrielles en petites quantités à un coût raisonnable. Des premières pièces de réparation ont ainsi été fabriquées en mai 2016 et "à terme, l’objectif est de pouvoir les créer directement chez le réparateur, à partir de cette nouvelle technologie", assure l’entreprise. SEB a aussi imaginé un système où les consommateurs, assistés par des tutoriels en ligne du fabricant, pourraient procéder eux-mêmes à des réparations basiques.
* à l’exception des Etats-Unis où la législation privilégie la notion de "satisfait ou remboursé" à celle de réparabilité.