Une partie des chauffeurs VTC de la région parisienne est en grève vendredi pour dénoncer la baisse des tarifs imposée par la société californienne.
Qu’Uber et ses concurrents entretienne de mauvaises relations avec les chauffeurs de taxis n’est pas une nouveauté. Que le ton monte avec ses propres chauffeurs est en revanche inédit. Plusieurs collectifs de chauffeurs de VTC (pour véhicules de tourisme avec chauffeur) ont appelé à la grève vendredi et mené une opération escargot entre les aéroports parisien et la porte Maillot, à l’ouest de la capitale. Mais pourquoi les relations se sont-elles tendues entre les chauffeurs VTC et les services de type Uber (Allocab, Chauffeur Privé, etc.), qui ont pourtant participé à l’essor de cette profession ?
Une baisse des tarifs de 20% à l’origine de la crise. Lors de son arrivé en France en décembre 2011, la société Uber a été perçue comme une opportunité pour de nombreuses personnes qui se sont alors lancé dans le transport et sont devenus chauffeurs VTC. Résultat, la seule Ile-de-France compte aujourd’hui entre 10.000 et 12.000 chauffeurs.
Mais le conte de fée a pris fin à la rentrée 2015, et pas seulement à cause des pratiques fiscales d’Uber en France. Non, ce qui agace les chauffeurs VTC, c’est la baisse des tarifs de 20% imposée par la société californienne le 9 octobre, visiblement sans grande concertation. Une baisse décidée pour contrer la concurrence des taxis, qui se sont adaptés à la nouvelle donne en Ile-de-France : fin septembre, la compagnie G7 annonçait une baisse de ses tarifs de 20% les week-end en soirée pour les 15-25 ans, tandis que les Taxis Bleus lançaient un forfait intra-muros à 10 euros la course, là aussi pendant les soirée en week-end.
Un dialogue compliqué. Pour les chauffeurs, qui ne sont pas salariés d’Uber et ont souvent le statut d’indépendant – avec les charges que cela implique-, cette baisse de 20% ne passe pas. Tout comme les projets de la société américaine de proposer à tout propriétaire de voiture de s’improviser chauffeur. Redoutant une baisse de leurs revenus, plusieurs dizaines d’entre eux avaient donc manifesté le 13 octobre devant le siège français d’Uber.
"Les premiers résultats de cette baisse des prix montrent que les revenus ne baissent pas et qu'il y a plus de passagers", expliquait alors Uber à Europe 1, oubliant de préciser que cela supposait d'effectuer plus de trajets pour une rémunération inchangée. Mais à ses yeux, une baisse des tarifs permet d'augmenter le nombre de clients et donc d'effectuer davantage de trajets pour une même durée. Et Uber France d'ajouter vendredi qu'il n'a aucun intérêt à fragiliser le marché des VTC, ses revenus dépendant directement du chiffre d'affaires de ses chauffeurs : moins ils font de courses, moins Uber gagne de l'argent.
Un argumentaire qui n’a pas convaincu les chauffeurs VTC. Ces derniers réclament une course minimum de 15 euros, une modification de leur relation avec Uber et un meilleur dialogue. Certains ont même décidé de lancer leur propre application, baptisée VTC Cab et qui prend une commission trois fois moindre qu’Uber (7% contre 20%). Enfin, plusieurs collectifs de chauffeurs ont annoncé la création d'un syndicat des VTC.
Journée de mobilisation en Ile-de-France. Estimant ne pas avoir été entendus par Uber France, les associations de chauffeurs SETP, CAPA-VTC et Actif-VTC ont donc appelé à la grève vendredi et organisé une opération escargot. Leur message, relayé par plusieurs pancartes : "ubérisation = paupérisation". Les organisateurs ont revendiqué environ 500 participants, les forces de l'ordre faisant, elles, état d'environ 150 manifesants.
"Beaucoup de VTC ont cru pouvoir gagner leur vie décemment" mais "être VTC aujourd'hui en France c'est un piège. (...) Ils se retrouvent endettés, dans une précarité totale et sans cadre juridique clair et précis", a déclaré vendredi Mohamed Radi, secrétaire général de l'association VTC de France. En moyenne, tous frais déduits (commission, taxe, location du véhicule, essence), il reste 2.000 euros par mois à Emmanuel Spina, adhérent à Actif-VTC, qui affirme à l'AFP travailler "70 à 90 heures par semaine", soit nettement en dessous du Smic horaire. "Certains vont au-delà de 90 heures et dorment dans les voitures", a-t-il ajouté. Autant dire que le dialogue avec Uber est compliqué et la tendance n’est pas au rapprochement des points de vue : Helmi Mamlouk, président de l'association CAPA-VTC, envisage même de demander l’interdiction d’Uber en France.