Une annonce qui ne dissipe pas le flou, bien au contraire. Dimanche soir, lors de son interview sur TF1, Emmanuel Macron est revenu sur une des mesures-phares de sa campagne présidentielle : permettre aux salariés démissionnaires de percevoir des indemnités chômage, ce qui n’est pas possible à l’heure actuelle, hormis quelques exceptions. Sans remettre en cause cette promesse, le chef de l’État l’a clairement restreinte. Selon les mots d'Emmanuel Macron, les salariés qui démissionnent devront quitter leur emploi avec un "projet" professionnel afin d’être éligibles à une indemnisation. Dimanche soir, sur TF1, le chef de l'État a estimé qu'il fallait la donner, "s’il y a un projet. Celui qui en a assez (de son emploi, NDLR), on ne va pas lui donner l'accès au chômage. Mais celui qui au bout de cinq ans, six ans, sept ans, a un autre projet, qu’on lui donne la possibilité de toucher le chômage pour mener cet autre projet", a expliqué le président de la République depuis le Salon d’angle de l’Élysée.
Créer une association, est-ce un projet ? Lors de son premier entretien télévisé depuis son élection, Emmanuel Macron n’a pas pris la peine de préciser davantage ce qu’il entendait par ce projet. "C’est très, très flou. Qu’est-ce qu’un projet en 2017 ?", interroge Jean-François Foucard, secrétaire confédéral de CFE-CGC sur les questions d’emploi et de formation. Se donner du temps pour lancer une entreprise sera-t-il un motif valable pour être indemnisé ? Lancer une association va-t-il être considéré comme un projet ? "Il y a un groupe de travail sur ce sujet. On étudie des pistes", évacue-t-on au ministère du Travail, sollicité par Europe1.fr.
" On voit mal les agents de Pôle Emploi être chargés de juger les projets des salariés démissionnaires "
"Usine à gaz". Autre problème de taille laissé intact par le chef de l’État dimanche soir : l’évaluation de ces projets personnels au moment de la démission. "Qui va décider ? Pour nous, la mauvaise décision serait d’accorder cette responsabilité à Pôle Emploi, qui se retrouverait juge et partie" en choisissant les personnes indemnisées, avance Jean-François Foucard, qui redoute "une usine à gaz" avec le futur système. "On voit mal les agents de Pôle Emploi être chargés de juger les projets des salariés démissionnaires", abonde quant à lui Denis Gravouil, responsable de la CGT chargé de l’assurance-chômage, auprès d'Europe1.fr. Là encore, le ministère confirme des "travaux préparatoires en cours", sans plus de précisions.
Remanier la nature d’une réforme (très) coûteuse. Comment expliquer ce "recul" et cette "inflexion" que les syndicalistes mentionnés plus haut jugent hasardeux ? "L’idée, c’est de voir comment est-ce qu’on va limiter les effets d’aubaine", affirme-t-on au cabinet de Muriel Pénicaud. Concrètement, les salariés tentés de quitter leur emploi en profiteraient pour sauter le pas sans craindre de se retrouver au chômage sans indemnités. Selon les informations des Échos, élargir l’assurance-chômage aux démissionnaires ainsi qu’aux indépendants aurait pour conséquence d’alourdir de 14 milliards d’euros le montant total des dépenses de l’Unédic, l’organisme chargé de payer les indemnités, la première année. Ensuite, la facture serait de 3 milliards d’euros supplémentaires chaque année. Pas de quoi améliorer les comptes de l’Unédic, déjà dans le rouge : chaque année, il accuse un déficit de 4 milliards d’euros et pâtit d’une dette cumulée de 30 milliards d’euros.
Exiger d’eux un "projet" professionnel aurait donc pour objectif d’en dissuader certains de franchir le pas. "On ne croit pas du tout que les gens se précipiteraient sur ces indemnités", oppose le responsable de la CGT chargé de l’assurance-chômage, Denis Gravouil. "Ils pensaient que 70.000 personnes bénéficieraient de cette réforme, mais c’est un cadre pour deux millions de personnes qu’il faut mettre en place", estime pour sa part Jean-François Foucard.
Début des discussions avec le Premier ministre mardi. Plus de demandeurs, sans recettes forcément revues à la hausse dans un système endetté : les syndicats redoutent une baisse des allocations pour l’ensemble des chômeurs, même si le gouvernement réfléchit à des indemnités plus faibles pour les démissionnaires et les indépendants, assorties d’un délai de carence. Là encore, le flou reste entier avant les premières concertations entre le Premier ministre, la ministre du Travail et les partenaires sociaux sur l’assurance-chômage, qui débutent mardi matin, avant des discussions plus poussées avec la ministre du Travail dès la semaine prochaine.