Après l'échec des négociations sur l'assurance chômage en juin 2016, le Medef et les partenaires sociaux et le Medef ont tour à tour confirmé leur volonté de se remettre autour de la table pour discuter. "On rentre dans une négociation avec une volonté de réussir, de faire des réformes structurelles et de remettre tout sur la table", a assuré Pierre Gattaz, le patron du Medef, mardi sur Europe 1. La bonne volonté affichée par le patronat risque toutefois de se heurter aux exigences des organisations syndicales sur plusieurs sujets.
- Le déficit de l’assurance chômage
C’est un problème récurrent. L’Unédic continue de perdre de l’argent année après année. En 2016, le déficit anticipé se chiffre à 4,2 milliards d’euros, portant la dette globale de l’organisme à 30 milliards d’euros. Certes, la tendance est à l’amélioration (voir graphique ci-dessous) pour le déficit mais la dette continue de se creuser. Selon l’Unédic, la convention actuelle de l’assurance chômage, signée en 2014 et reconduite en 2016 faute d’accord des partenaires sociaux, lui fait perdre de l’argent : 770 millions d’euros en 2016 et 610 millions cette année (prévision).
- Les contrats courts
Si l’Unédic perd de l’argent, c’est notamment à cause des contrats courts. La différence entre les allocations versées aux chômeurs en fin de CDD ou d’intérim et les contributions prélevées sur ces contrats coûte entre neuf et dix milliards d’euros par an à l’organisme. La faute aux contrats courts, de plus en plus adoptés par les entreprises. On comptait moins de 1,6 million de contrats d’un mois ou moins par trimestre en 2000 contre 3,9 millions début 2016. Une personne indemnisée sur deux l’est désormais consécutivement à la fin d’un CDD ou d’une mission d’intérim. Une situation qui implique un nombre croissant de personnes à indemniser et gangrène donc les comptes de l’Unédic.
Taxer les contrats à durée réduite. Or, les contrats courts constituent le principal point d’achoppement des négociations, celui qui avait fait capoter les discussions l’an dernier. Pour dissuader les entreprises d’embaucher des personnes sur des périodes réduites, protéger les travailleurs et, indirectement, soulager l’Unédic, les syndicats avaient conditionné un accord global l’assurance chômage en juin dernier à une taxation accentuée des contrats courts. FO préconise un système de bonus-malus selon que l’entreprise emploie plus ou moins de 20% de CDD tandis que la CFDT privilégie un barème de cotisations dégressif en fonction de la durée du contrat.
Les patrons vont-t-il faire un geste ? Sauf que la position du Medef n’a pas beaucoup évolué en huit mois. "Il ne faut surtout pas taxer les contrats courts", a déclaré Pierre Gattaz sur Europe 1. "Pourquoi c'est non ? Parce qu'on ne peut pas créer de l'emploi en alourdissant le coût du travail, ça a été démontré", a-t-il fait valoir. Le négociateur du Medef, Alexandre Saubot, se montre plus ouvert : certes, "le mot 'taxation' ne doit pas avoir sa place dans la négociation", mais "si on ne voulait pas évoquer le sujet des 'contrats courts', on n’aurait pas rouvert la négociation, sachant que nos partenaires veulent en parler".
- L’indemnisation des seniors
Les plus de 50 ans représentaient 21% des 2,8 millions de personnes indemnisées par l’assurance chômage fin 2015. Problème : ils sont les grands oubliés de la baisse du nombre de demandeurs d’emploi observée en 2016. Les seniors peinent à retrouver du travail, qui plus est des contrats longs. Pour compenser, ils peuvent toucher les allocations chômage durant 36 mois, contre 24 mois pour le reste des actifs. Or, selon les chiffres de l’Unédic, la troisième année d’indemnisation lui aurait coûté un milliard d’euros en 2015. Le Medef propose de déplacer la tranche d’âge aux plus de 55 ans mais les syndicats ne sont pas franchement favorables à un changement aussi sec.
- Le cumul emploi-allocations
Fin 2015, environ 700.000 personnes cumulaient un travail avec une allocation chômage, pour un revenu global proche de celui d’un employé à temps plein. Une situation particulièrement courante chez les intérimaires qui enchaînent les petites missions. En découlent des disparités de revenus qui incitent à multiplier les contrats courts. Un exemple parmi d’autres, cité par Les Échos : "l’Unédic a comparé les cas de deux personnes ayant travaillé 120 heures pour un salaire de 1.000 euros bruts, sous forme d'un CDD de trois semaines d'un côté, via trois CDD consécutifs de 5 jours de l'autre. Verdict : 66 euros d'indemnité journalière pour la seconde personne contre 47 euros pour la première."
- Et aussi…
Le cas des travailleurs frontaliers, indemnisés par l’assurance chômage française quand ils perdent leur emploi chez nos voisins, entraîne un déficit de 600 millions d’euros par an. Un accord devra également être trouvé sur le régime des intermittents du spectacle : en juin dernier, l’État avait sorti de l’argent de sa poche, soit 80 à 90 millions d’euros. Enfin, le financement de Pôle emploi pourrait être revu. L’Unédic verse 10% de ses cotisations à l’organisme public pour financer son fonctionnement. Mais la gestion de l’assurance chômage coûte 700 millions de plus qu’avant la fusion de l’ANPE et des Assédic en 2009.
L’espoir d’un accord avant l’élection présidentielle
La réouverture des négociations s’inscrit dans un contexte politique particulier. Après l’échec des négociations l’an dernier, le Medef n’était pas pressé de se remettre autour de la table, malgré les appels du pied répétés du gouvernement. Jusqu’à il y a encore quelques semaines, le Medef était soupçonné par les autres partenaires sociaux de vouloir attendre l’élection présidentielle. François Fillon était alors ultra-favori et son accession à l’Élysée aurait apporté un soutien de poids au patronat lors de futures négociations.
Le vent a tourné. Mais ça, c’était avant. Embourbé dans l’affaire des supposés emplois fictifs de sa femme Penelope, le candidat des Républicains plonge dans les sondages, au profit d’Emmanuel Macron. Or, l’ancien ministre de l’Économie est partisan d’une étatisation de l’Unédic : l’État fixerait alors unilatéralement le niveau des cotisations patronales. Une perspective qui n’arrange aucun des négociateurs. "Il est important que la gestion de l’assurance chômage reste dans le giron des partenaires sociaux", affirme Éric Courpotin, négociateur de la CFDT dans La Croix.
Un accord rapide ? Résultat, le Medef a enfin accepté de rouvrir la négociation et ne compte "pas faire traîner les choses". Une volonté partagée avec les syndicats, FO espérant aboutir d'ici "début avril" et la CGT "d'ici fin mars". "Personne n'a envie de négocier en pleine campagne présidentielle", a précisé Denis Gravouil, le négociateur cégétiste, mardi. En trouvant un accord avant l’élection du prochain président, les partenaires sociaux escomptent préserver l’issue des négociations, quel que soit le nom du locataire de l’Élysée en mai.