Au-dessus de nos têtes, le drame a peut-être été évité de justesse. Le 26 juin dernier, un avion de ligne survolant Brest a momentanément disparu des radars suite à une panne du système de contrôle aérien. Soudain privé de visibilité, les contrôleurs aériens auraient pu assister, impuissants, à la collision de ce vol avec un autre appareil. Une crise de plus, une crise de trop qui secoue sérieusement une corporation déjà très critiquée au sein de l'Aviation civile : la Direction des services de la navigation aérienne (DSNA).
Un événement "hors norme". Cet incident, qui a coûté son poste à l’un des patrons de la Direction Générale de l’aviation civile, a été provoqué par une mise à jour du système de traitement des plans de vol, engendrant la perte d'une grande partie des données sur les avions en l’air à ce moment-là. Il a donc fallu que les contrôleurs aériens ressaisissent dans l’urgence, et à la main, les informations brusquement effacées des ordinateurs. Si l’Aviation civile parle d’un "événement sécurité hors norme", nombre d'observateurs redoutaient depuis longtemps un tel problème.
Un super logiciel. Car il faut dire que le système de navigation aérienne utilisé par les contrôleurs est largement dépassé. Un rapport du Sénat publié mi-juin fait état de la vétusté des tours de contrôles, des logiciels anciens datant des années 1980, et de ces centres qui utilisent encore des bandelettes de papier pour noter les vols. Pour résoudre cette situation, la DSNA table sur l'arrivé d'un nouveau système d'exploitation : 4-FLIGHT, développé par le groupe Thales, et initialement attendu pour… 2015. Sa mise en service est désormais repoussée à 2020-2021, voire 2022-2023, indiquent Les Echos.
Une modernisation à 2,1 milliards. La prise en compte du risque terroriste et des nouvelles menaces liées aux cyberattaques expliquerait notamment ce retard, selon Thales. Mais d'ajournement en ajournement, les coûts se sont envolés, et dans son rapport, le sénateur Vincent Capo-Canellas chiffre désormais la note de la modernisation de la DSNA à 2,1 milliards d'euros, en tenant compte, en plus des 850 millions d'euros de 4-FLIGHT, de la rénovation des infrastructures.
Un trafic de plus en plus compliqué à gérer. En attendant, et sans même parler des risques d’accident, ce sont les retards qui s’accumulent. Ils pourraient toucher 40 % des vols en juillet, car face à l'augmentation du trafic (+2% depuis janvier 2018) les quelque 3.500 contrôleurs français, qui gèrent à eux seuls 20% du trafic aérien européen, ne savent plus où donner de la tête. "Quand des collègues européens voient dans quelles conditions nous travaillons, ils n'en reviennent pas du nombre de vols que nous arrivons malgré tout à faire passer", glisse un contrôleur aux Echos. S'ils vont devoir s'armer de patience avant de voir une amélioration de leurs conditions de travail, les contrôleurs aériens français pourraient néanmoins être bientôt les mieux lotis, l'arlésienne 4-FLIGHT étant annoncée comme le plus performant des systèmes de navigation aérienne jamais utilisé en Europe.