Le sujet est sensible, surtout pour les automobilistes, mais le gouvernement a tranché : les tarifs des autoroutes augmenteront davantage en 2017 que ce qui était initialement prévu. Cette hausse supplémentaire des tarifs doit permettre de financer une nouvelle série de travaux dévoilés dimanche par le secrétaire d'Etat aux transports. Et, comme souvent lorsqu’il s’agit des autoroutes, cette hausse des tarifs est vivement contestée.
Qu’a annoncé le gouvernement ? Le secrétaire d'Etat aux transports Alain Vidalies a dévoilé dans Le Journal du Dimanche un nouveau plan autoroutier "validé" par François Hollande. D’une valeur estimée à un milliard d’euro, ce nouveau plan doit permettre d’améliorer le réseau autoroutier et "correspond à des demandes précises d'aménagements" formulées par les collectivités territoriales, a précisé Alain Vidalies.
Des travaux pour quoi faire ? L’objectif est d’améliorer les infrastructures autoroutières mais aussi de réduire leur impact sur l’environnement. Ce sont les collectivités territoriales qui ont fait remonter leurs demandes au gouvernement, qui a sélectionné une cinquantaine de chantiers jugés prioritaires. "Il y a 30 opérations routières, type échangeurs", a précisé Alain Vidalies, auxquelles s’ajoutent "la création d'aires de covoiturage et des aménagements environnementaux comme des écoponts, des murs antibruit".
Qui va payer ? C’est là que la situation se complique puisque la facture d’un milliard sera réglée par les collectivités territoriales et surtout par les automobilistes. Les premières ont été invitées à sélectionner des projets qui ne soient pas trop coûteux et sont invitées à profiter des taux d’intérêt historiquement bas pour emprunter. "Ce que ne paieront pas les usagers, ce sont les impôts locaux qui le paieront", a résumé sur Europe 1 François Bordry, président du Comité des Usagers du Réseau Routier National.
Quant aux automobilistes, c’est au péage qu’ils verront la différence : la hausse des tarifs "sera comprise entre 0,3% et 0,4% par an entre 2018 et 2020". Et cette dernière s’ajoutera à celles déjà prévues pour 2018. Le secrétaire d'Etat aux transports l’assure pourtant, "l'impact de l'augmentation sera faible. Par exemple, chez Cofiroute, l'augmentation prévue pour 2018 dans le contrat de concession est de 1,46%; on passerait à 1,76%. Prévue chez d'autres à 1,15%, elle monterait à 1,45%". "C’est une honte", n’a pourtant pas tardé à dénoncer l’association 40 millions d’automobilistes, lassée de voir la facture grimper année après année alors que l’inflation est quasi nulle.
Et les concessionnaires ? Mais pourquoi ne pas avoir demandé aux sociétés gestionnaires des autoroutes de payer ? Le gouvernement a précisé que ce genre de négociations serait très compliquée et "prendrait trop de temps", et pour cause : les sociétés d’autoroutes auraient très probablement demandé un nouvel allongement de la durée de leur concession. Ce qui aurait provoqué une nouvelle polémique, ces sociétés étant régulièrement accusées de bénéficier d’une rente très confortable. La prolonger de quelques années n’aurait pas manqué de provoquer de nouvelles polémiques, comme ce fut le cas en 2015. "Toute cette opération de privatisation (décidé en 2006, ndlr) comme elle est menée depuis le début est un scandale démocratique", a résumé dimanche François Bayrou sur France 3.
Pour certains, la question ne se pose pourtant même pas : les sociétés en charge des autoroutes devraient assumer la facture. "Ces travaux sont prévus par les cahiers des charges des sociétés concessionnaires d’autoroutes. C’est simplement des travaux de confort ou se mettre aux normes sécuritaires et environnementales. Dans ce cas-là, c’est à la charge des sociétés concessionnaires qui n’ont pas à les compenser sur les tarifs des péages", a estimé sur Europe 1 Mathieu Lesage, avocat du think tank ‘Automobilité et avenir’, qui mène les recours de cinq associations d’automobilistes contre les sociétés d’autoroutes.
L’emploi, l’autre enjeu. Si "l'amélioration de la qualité de service" et les "projets environnementaux" sont les deux valeurs cardinales de ce plan, le gouvernement raisonne également en termes d’emploi. Ces travaux vont en effet donner du travail à un secteur des travaux publics particulièrement malmené depuis 2008 : la crise économique et la baisse des dotations reçues par les collectivités territoriales ont fait chuter leur activité. Avec ces nouveaux travaux, le gouvernement ambitionne "la création d'environ 5.000 emplois".
Reste néanmoins à savoir qui va effectuer ces travaux. La plupart des sociétés gestionnaires des autoroutes sont des filiales des géants des BTP : lorsqu’elles passent un marché, la tentation est grande de privilégier l’offre provenant de son propre groupe, au détriment des sociétés plus modestes et souvent locales. Le gendarme des transports, l’Arafer, a d’ailleurs montré dans un rapport publié cet été que plus de la moitié des travaux effectués sur les autoroutes l’ont été par une filiale appartenant au même groupe et que la facture finale a souvent tendance à flamber.
"Il y a une entente avec des critères d’affectation qui ont été dénoncés par l’autorité de la concurrence en septembre 2014. Ca n’a pas changé depuis, on appelle à plus de transparence", a dénoncé Mathieu Lesage, lundi sur Europe 1. Pour éviter de telles dérives, le dernier plan de relance autoroutiers prévoit que 55% des travaux doivent être effectués par des entreprises n’étant pas liées avec les gestionnaires des autoroutes.
>> Retrouvez le débat organisé lundi sur Europe 1 avec François Bordry, président du Comité des Usagers du Réseau Routier National, et Mathieu Lesage, avocat du think tank ‘Automobilité et avenir’ et qui mène le recours de cinq associations d’automobilistes contre les sociétés d’autoroutes :
Autoroute : les automobilistes doivent-ils...par Europe1fr