Bloctel peut-il vraiment empêcher le démarchage téléphonique ?

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CONSO - L’Etat inaugure le 1er juin la plate-forme Bloctel, censée protéger les particuliers contre le démarchage commercial au téléphone et les arnaques.

Des fenêtres double vitrage, un service de nettoyage à domicile, des panneaux photovoltaïques, un abonnement à une bouquet de télévision payant, etc. Chaque jour, des milliers de particuliers sont appelés pour se voir proposer une offre forcément exclusive et à un prix imbattable. Ce démarchage commercial qui peut rapidement virer au harcèlement téléphonique, a conduit l’Etat à mettre en place un nouveau service censé protéger les particuliers. Mais cette plate-forme baptisée Bloctel peut-elle changer la donne ? Le doute est permis.

Des appels téléphoniques toujours plus nombreux et non désirés. Pour les entreprises en quête de nouveaux clients, le démarchage téléphonique est devenu une aubaine : il permet de s’adresser directement au consommateur pour tenter d’en faire un client. Et, surtout, il coûte bien moins cher qu’auparavant, les appels téléphoniques via internet ayant permis de délocaliser les centres d’appels vers des pays francophones où les salaires sont plus bas. Les entreprises en sont donc très friantes. SFR, Engie et Canal+ sont celles qui y ont le plus recours d’après le magazine En Contact.

Sauf que ce démarchage est très souvent vécu comme une plaie : 70% des personnes sollicitées n’aiment pas être démarchées au téléphone, selon le livre blanc de l’action commerciale édité par IKO System. D’autant que les arnaques téléphoniques se glissent de plus en plus parmi des appels et SMS commerciaux.

Résultat, le nombre de signalements explose : un million et demi d’appels ou de SMS indésirables ont été dénoncés aux autorités en 2015, contre moins de 900.000 en 2014, soit une hausse de 70%. Dans le détail, les signalements de SMS frauduleux ont bondi de 42%, mais ce sont surtout les messages vocaux indésirables qui ont explosé : +143% de signalements en un an. Et il ne s’agit que de cas de fraude présumés qui ne prennent pas en compte les démarchages commerciaux effectués de manière légale.

L’Etat pense avoir trouvé la réponse : Bloctel. La multiplication de ces appels et SMS  non sollicités qui peuvent virer au harcèlement téléphonique, quand il ne s’agit pas d’arnaques pures et simples, ont conduit l’Etat à chercher une parade. En 2011, le site Pacitel était lancé pour permettre à ceux qui le désirent de s’inscrire sur une liste rouge censée interdire de tels appels. Sauf que le système reposait sur le volontariat des entreprises et ne prévoyait aucune sanction : en clair, les centre d’appels pouvaient continuer à appeler des particuliers qui s’étaient pourtant inscrits sur cette liste rouge. Miser sur l’autorégulation du secteur a été un échec.

Le gouvernement a donc revu sa copie et lancera le 1er juin une nouvelle plate-forme baptisée Bloctel. Le principe reste le même, les personnes intéressées devront s’y inscrire pour ne plus être sollicitées et pourront signaler sur internet les numéros téléphoniques qui continuent à les appeler. En revanche, les SMS ne sont pas concernés. L'inscription sur la liste rouge sera valable trois ans et les consommateurs seront contactés par mail ou courrier postal pour savoir s'ils veulent continuer d'y figurer une fois passé ce délai.

Bloctel peut-il changer la donne ? "Bien évidemment, je garantis que cela va marcher", a assuré mardi la secrétaire d'Etat chargée du commerce, Martine Pinville. Car à la différence de l’ancien système, Bloctel sera contraignant et, surtout, les contrevenants risqueront une amende pouvant aller jusqu’à 750.000 euros. Si les appels proviennent de l'étranger, la société française pour qui le centre d’appel travaille sera poursuivie.

Sur le papier, ce changement de braquet devrait faire la différence mais certains en doutent encore. Et la secrétaire d’Etat en est bien consciente. "S'il y avait dans certains cas, un démarchage quand même abusif, il faudra à ce moment-là, relever le numéro de téléphone et si vous pouvez, le nom de la société qui a appelé, nous le signaler sur www.bloctel.gouv.fr ou bien le signaler à la Direction Générale de la Concurrence et de la Consommation et ensuite, nous, on fera les poursuites nécessaires", a détaillé Martine Pinville.

Problème : la plupart des centres d’appel dissimulent leur numéro de téléphone ou utilisent un numéro d’emprunt, surtout lorsque l’appel est passé depuis l’étranger. Et c’est devenu la règle : "plus de 70 % des appels émis en télémarketing sont actuellement émis depuis le Maghreb, l’Afrique noire ou Israël, voire au Liban où les spécialistes se sont installés depuis des années", souligne Manuel Jacquinet, rédacteur en chef du magazine En Contact. Les particuliers auront donc le plus grand mal à identifier leur vrai numéro, et donc s’en plaindre. Cibler l’entreprise pour qui travaille le centre d’appel ne sera pas plus aisé : cette dernière pourra toujours se défausser sur le centre d’appel… qui est impossible à identifier pour le commun des mortels.

Si Bloctel constitue un pas dans la bonne direction, il présente des limites qu’il va falloir corriger à un moment ou un autre. Et notamment en incluant les SMS commerciaux, de plus ne plus fréquents.